Publié le 19/10/2023

Rusalka à l’opéra Grand Avignon – Pour rêver, bercés par un conte romantique

Les opéras du Grand Avignon, Marseille, Nice et Toulon s’étaient unis pour Rusalka sous la houlette de la Région Sud, forte du rayonnement national et international que suscite l’opéra sur son territoire et en coproduction avec Arsud. Un chef d’œuvre présenté en avant-première pour ouvrir la saison 2023-2024 de l’Opéra d’Avignon.

Rusalka Opera Avignon 2023

Vendredi 13 et dimanche 15 octobre, l’opéra Rusalka d’Antonin Dvořák ouvrait la saison lyrique 2023-2024 à l’opéra Grand Avignon.
Avec les musiciens de l'Orchestre national Avignon-Provence sous la direction musicale experte de Benjamin Pionnier, la mise en scène inattendue autant qu’originale et particulièrement réussie (comme les costumes et la scénographie) de Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, ce sont deux soirées de rêve que le public Avignonnais a vécu dans la grande maison lyrique de la Cité Papale.

Rusalka, à l'Opéra d'Avignon

Une mise en scène enchanteresse et fascinante

Rusalka, ce conte lyrique en trois actes d’Antonin Dvořák a bénéficié d’une mise en scène des plus originale, captivante à souhait, faisant entrer le spectateur dans un monde aquatique étonnant, en lien direct avec le fil conducteur choisi pour cette nouvelle saison par Frédéric Roels, directeur général de l’Opéra d'Avignon, à savoir l’eau. Et la réussite est parfaite : le décor formé par un grand bassin de nage présenté en coupe, comme les vidéos des nageuses du club nautique d’Avignon, participent à faire voyager le public dans un monde magique, envoûtant, fascinant, féérique. Les vidéos des nageuses, projetée sur la totalité du rideau de scène, ont provoqué un effet surprenant, mais des plus réussis.

Une distribution époustouflante !

Avec les merveilleuses voix d’Ani Yorentz Sargsyan dans le rôle titre et de Misha Didyk dans le rôle du Prince, la sublime Irina Stopina dans le rôle de la séduisante Princesse étrangère, l’Esprit du lac chanté par Wojtek Smilek et Cornelia Oncioiu dans la peau de Ježibaba, on ne pouvait rêver de plus prestigieuse distribution pour cette première de l’année en Avignon. Il en va de même pour les interventions de Clémence Poussin (le garçon de cuisine), les 3 nymphes Mathilde Lemaire, Marie Kalinine, Marie Karall, comme de Fabrice Alibert (Le garde forestier et la voix d’un chasseur)

Benjamin Pionnier, la cohésion parfaite

Tout ce beau monde était placé sous la baguette du prestigieux chef Benjamin Pionnier.
D’abord chef de chant, assistant de nombreux chefs de renom, dont James Levine au Metropolitan Opera de New York et au Carnegie Hall, Benjamin Pionnier dirige sur les plus grandes scènes internationales depuis plus de 15 ans : Théâtre Bolshoi et Salle Tchaikovsky de Moscou, Teatro Massimo de Palerme mais aussi à Shanghaï, Buenos Aires, Hong Kong, Séoul, Singapour, sans compter sur les nombreuses scènes françaises et européennes. Spécialiste des l’opéras français et italiens, Benjamin Pionnier possède un répertoire lyrique très vaste qui comprend aussi les répertoires slave et allemand. Récemment, sa direction a vivement été saluée par la critique pour Capriccio de Strauss, Le Songe d’une nuit d’été de Britten, Andrea Chénier de Giordano, Tancredi de Rossini, Cosi fan tutte ou Lakmé.
D’autre part, la presse spécialisée a plusieurs fois récompensé la création mondiale des Fées du Rhin d’Offenbach en France et en Suisse. Benjamin Pionnier a été Conseiller artistique pour l'Opéra de Nice puis Directeur Général de la Musique et Directeur de l’Opéra National de Slovénie à Maribor. Il a ensuite dirigé jusqu’en 2020, l’Opéra de Tours et son orchestre symphonique, qui ont obtenu grâce à lui le titre de Théâtre Lyrique d’Intérêt National. Enfin, Benjamin Pionnier est Chevalier de l’Ordre des Arts & Lettres.

Une heureuse initiative Opéras au Sud

La production de ce « RUSALKA » a pour origine une initiative originale initiée en 2018, qui permet à la Région de coproduire via son agence Arsud, des spectacles ambitieux. La nouveauté réside dans une mutualisation des moyens des quatre Opéras, garantissant les emplois non délocalisables des ateliers de costumes et de décors, mais également des moyens de créer des spectacles de grande qualité. Ce dispositif unique associe la Région Sud aux quatre maisons d’Opéra du territoire : Marseille, Toulon, Avignon et Nice, afin d’élaborer en région des nouvelles productions lyriques en grand et en petit format.

Michel Bissière, délégué à la culture de la Région Sud, Frédéric Roels, directeur de l'Opéra du Grand Avignon, Bertrand Rossi directeur de l'Opéra de Nice, Maurice Xiberras directeur de l'Opéra de Marseille, Jérôme Brunetière, directeur de l'Opéra de Toulon. ©Marie-Céline

La grande forme est destinée à produire un spectacle de haut niveau et d’envergure nationale et internationale avec de larges effectifs. Pour cette deuxième édition d’Opéras au Sud, le chef d’œuvre d’Antonin Dvořák, Rusalka a été choisi. La modernité et la qualité de la mise en scène par le duo Clarac et Deleuil ont déjà permis à la production régionale d’être programmée par l’Opéra National de Bordeaux en novembre 2023.

Note d'Intention des metteurs en scène

"De la fragile Petite Sirène d’Andersen à la romantique Rusalka de Dvorak, des fantaisies nautiques hollywoodiennes d’Esther Williams au monde cruel de la natation synchronisée d’aujourd’hui, il n’a jamais semblé facile, pour une jeune fille, de construire sa féminité aux abords des bassins de nage. Et, dans l’opéra de Dvorak comme dans les vestiaires de nos piscines modernes, on peut véritablement parler d’une injonction à la féminité, tant la pression exercée sur les adolescentes, au 19ème siècle comme de nos jours, y reste constante, archétypale, et cruelle. Au bord d’un bassin de nage étrangement vide, et dans une atmosphère à l’onirisme pop, proche du « Pull marine » de Serge Gainsbourg et Luc Besson, notre intention est bien de mettre en scène le conte de fées tragique consubstantiel à la partition de Dvorak, en respectant totalement ses fantaisies, et sa dimension surréaliste. Le parcours initiatique de Rusalka, jeune ondine devenant une « vraie » femme, conservera bien tous les effets de son caractère fantastique. Dans un dialogue constant entre l’action scénique et les vidéos, le monde des ondines passera du majestueux Stade Nautique d’Avignon aux berges boueuses d’un étang du Médoc. Autour de la jeune fille forcée au mutisme (Rusalka), des adolescentes sportives et délurées (les Nymphes des bois), une femme de ménage résolument ancrée dans le réel (Jezibaba), ou encore une femme fatale à la séduction affirmée (la Princesse étrangère)… Elles sont toutes là, ondines modernes, femmes qui parlent trop ou élégantes spectatrices muettes, dans une représentation qui, comme toujours dans notre travail, deviendra une invitation à « tester le présent ».

En situant cette nouvelle production de Rusalka dans l’univers de la natation synchronisée, nous espérons mettre en scène la difficile naissance de la féminité d’une jeune fille fragile, perçue sous son jour le plus émouvant, mais aussi le plus cruel. C’est l’histoire d’une jeune nageuse idéaliste et déterminée. L’histoire d’une petite sirène hypersensible, un rien gâtée, mais terriblement attachante." Soulignent les metteurs en scène Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil.

La petite histoire de Rusalka - d’Antonin Dvořák

Le livret de Jaroslav Kvapil, basé sur les contes de Karel Jaromír Erben et de Božena Němcová, a été écrit avant que Kvapil n'ait eu le moindre contact avec le compositeur. L'intrigue contient des éléments qui apparaissent également dans La Petite Sirène de Hans Christian Andersen et Ondine de Friedrich de La Motte-Fouqué.

Un « triste conte de fée moderne »

Cette histoire a été décrite comme un « triste conte de fée moderne », dans la même veine que sa pièce précédente, Princessa Pampeliška. Le livret a été complété en 1899, alors Kvapil a commencé à chercher des compositeurs intéressés à mettre son texte en musique. Ses amis compositeurs étaient engagés avec d'autres œuvres, mais ont signalé que Dvořák était à la recherche d'un projet. Le compositeur, toujours intéressé par les histoires d'Erben, a lu le livret et a composé son opéra assez rapidement, puisque la première esquisse date du 22 avril 1900 et que l'opéra était achevé à la fin de novembre.
Rusalka, une créature des eaux, avoue à son père l'Ondin qu'elle est amoureuse d'un prince. En présence de la sorcière Ježibaba, elle accepte ensuite d'être muette en échange d'un amour possible avec le prince. Malheureusement, celui-ci s'intéresse à une princesse étrangère et la délaisse. S'ensuivra une fin tragique pour Rusalka ainsi que pour le prince pris de remords.

Ani Yorentz Sargsyan - soprano lyrique (Rusalka)

La soprano lyrique arménienne Ani Yorentz Sargsyan a développé une passion pour le chant dès l’âge de six ans. Les engagements ont conduit Ani Yorentz à l’Opéra Hauses de Pékin et Shanghai avec le rôle de Juliette dans Roméo et Juliette. Avec ce rôle, elle a récemment fait ses débuts italiens au Teatro Petruzzelli di Bari. Elle a également incarné Juliette au Deutsche Oper am Rein à Düsseldorf, au Théâtre d’État de Cassel et au Pfalztheater Kaiserslautern. Actuellement, elle interprète le rôle principal de Rusalka dans la nouvelle production au Théâtre de Fribourg en Allemagne. La saison dernière, Ani Yorentz Sargsyan a interprété le rôle d’Angèle Didier dans le Landestheater Linz dans la nouvelle production de l’opérette Der Graf von Luxembourg, diffusée à la télévision autrichienne sur ORF3. Elle a joué en tant que soliste invitée avec l’orchestre résident de La Haye et l’orchestre philharmonique arménien.

Misha Didyk - ténor (Le Prince Misha Didyk)

Misha Didyk est devenu l’un des ténors les plus excitants et les plus recherchés associé en particulier aux rôles ténors les plus exigeants du répertoire italien, français, tchèque et russe. En 2005, il fait des débuts prometteurs avec le Teatro alla Scala, Milan et l’Opéra de San Francisco sous le nom de Hermann dans La Reine de Pique de Tchaïkovski, rôle qui devient sa signature. Il a été acclamé pour son chant élégant et passionné, électrisant notes de tête pour ses capacités d’acteur magnifiques.

Irina Stopina - soprano lyrique (La princesse étrangère)

Après quatre années d’études universitaires en mathématiques fondamentales, Irina Stopina se forme à l’art dramatique et acquiert une expérience théâtrale approfondie (elle interprète plusieurs rôles sur les scènes nationales de Perpignan et de Nîmes, au Théâtre de Paris, Théâtre de la Porte Saint-Martin, Théâtre Comédia) ainsi qu’une solide expérience dans le monde du cinéma. En parallèle à cette première passion, elle suit des études pianistiques et vocales à Albi puis Paris et perfectionne aujourd’hui sa technique vocale auprès de Lionel Sarrazin. Débutant sur scène avec des rôles de mezzo-soprano, sa voix évolue un temps vers le soprano lyrique lui permettant d’interpréter la Comtesse (Le Nozze di Figaro) avec l’Orchestre Philharmonique d’État de Timisoara, Donna Anna (Don Giovanni) avec l’Orchestre de l’État d’Arad et Micaëla (Carmen) avec l’Orchestre d’Aquitaine.

Cornelia Oncioiu - mezzo-soprano (Ježibaba)

Appréciée pour son timbre riche et chaleureux la mezzo-soprano Cornelia Oncioiu remporte de nombreux prix, avant même d’être diplômée en chant lyrique au Conservatoire Supérieur de Musique de Timisoara, dont le Grand Prix du concours Eugenia Moldoveanu, le Prix Spécial au « Neue Stimmen » en Allemagne, le Premier Prix aux concours Haricléa Darclée, Ionel Perlea, Sabin Dragoi, Nicolae Bretan. Après ses débuts en Roumanie dans Hänsel et Gretel, Suor Angelica, Cavalleria rusticana, Madama Butterfly, Il Trovatore, l’artiste intègre l’Académie de l’Opéra National de Paris où elle se perfectionne auprès de Janine Reiss entre autres.

La coproduction RUSALKA marque la deuxième édition d'Opéras du Sud, une initiative régionale de production lyrique. En résumé, une mutualisation des coûts basée sur des projets ambitieux, et relis, de fait, quatre maisons de la Région Sud : l'Opéra du Grand Avignon, l'Opéra de Marseille, l'Opéra de Nice et l'Opéra de Toulon.
Objectif annoncé : concevoir de nouvelles productions de haut niveau.

© Jacques Jarmasson

La distribution en détails

Le Prince - Misha Didyk
La Princesse étrangère - Irina Stopina
Rusalka - Ani Yorentz Sargsyan
L’Esprit du lac - Wojtek Smilek
Ježibaba - Cornelia Oncioiu
Le garçon de cuisine - Clémence Poussin
Première nymphe - Mathilde Lemaire
Deuxième nymphe - Marie Kalinine
Troisième nymphe - Marie Karall
Le garde forestier / La voix d’un chasseur - Fabrice Alibert
Avec la participation des nageuses artistiques Eugénie Apostolo, Claire Droalin, Coline Gaillard, Sarah Gosio, Mélanie Pernin, Laura Viala