Publié le 15/01/2024

Ravel, Balanchine et Maillot au programme du Centenaire de Rainier III  (1923-2023)

Cent ans de Musique et de Majesté : Rainier III et l’esprit de Ravel à Monaco. En cette fin décembre 2023, les Ballets de Monte-Carlo ont donné La Valse de George Balanchine : un retour aux sources pour ce ballet donné il y a 20 ans et dont le Prince Rainier III était également féru, associé à L’enfant des Sortilèges, création du chorégraphe Jean-Christophe Maillot qui réunissait 240 artistes sur scène.

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2023 – Forum Grimaldi – L’enfant et les sortilèges © Hans Gerrritsen

Dans le cadre de la saison 2023-2024, les Ballets de Monte-Carlo ont présenté fin décembre au Grimaldi Forum Monaco, deux spectacles de danse, La Valse et L'Enfant des Sortilèges de Maurice Ravel, une chorégraphie signée respectivement de George Balanchine et Jean-Christophe Maillot, pour célébrer le centenaire de la naissance du Prince Rainier III et sa passion pour la musique.

Le prince Rainier et la musique : un hommage à l’art et à l’histoire

Prince Rainier III, Grace Kelly et George Balanchine - Archives SBM

Fin décembre, comme cela a été prévu de longue date, le forum Grimaldi de Monaco a présenté dans le cadre du centenaire de la naissance du prince Rainier III un spectacle de danse autour de la musique de Ravel. Il faut dire que le prince aimait la musique et que, dans le domaine culturel, il a particulièrement soutenu les institutions musicales de la Principauté, tant du point de vue éducatif - l’Académie Rainier III a commencé en 1922 sous la forme d'un cours public et gratuit de théorie musicale et de musique d'ensemble - que d'un point de vue mécénal et d'organisations de concerts notamment avec l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo. C’est lui qui avait été à l’origine des concerts d’été au Palais, autour du célèbre escalier à double révolution de la cour d’honneur.

Amateur de jazz, il appréciait aussi la musique savante. Maurice Ravel lui avait fait grande impression, notamment à travers le ballet La Valse, chorégraphié par Georges Balanchine et dansé par les ballets de Monte-Carlo en 1994, et par L'Enfant et les Sortilèges dans une version créée également par les ballets de Monte-Carlo en 1992.

Ravel et la danse : un héritage de créations musicales

Ravel a consacré une part importante de ses créations musicales à la danse, qu’il s’agisse de simple référence à la danse comme par exemple la pavane de la Belle au Bois Dormant dans Ma mère l’Oye ou de ballets proprement dits comme Daphnis et Chloé, commandé en 1912 par Serge Diaghilev, le grand impresario des Ballets Russes, et dansé par le légendaire Nijinski, ou en 1928 le célèbre et obsédant Bolero à la demande de son amie danseuse, Ida Rubinstein.

La Valse, un poème chorégraphique

Musique : Maurice Ravel - Chorégraphie : George Balanchine

La Valse, poème chorégraphique a d’abord été commandée par Serge Diaghilev pour les Ballets russes, puis refusée par lui en 1920 au motif que c’était certes un chef-d’œuvre, mais pas un ballet : « c’est la peinture d’un ballet». Il sera finalement chorégraphié par Ida Rubinstein.

La Valse, un poème chorégraphique - © Alice Blangero

Georges Balanchine en fait un ballet composé de deux œuvres inspirées de la danse : les sept « Valses nobles et sentimentales »  (1911) et « la Valse » (1919). Le 20 mars 1951, il en donne une première représentation à New York avec le New York City Ballet, ballet professionnel américain qu’il avait mis en place trois ans  auparavant.  Et c’est cette version chorégraphique qui a été choisie pour la célébration du Centenaire, une version d’un classicisme exemplaire qui valorise l’élégance, la fluidité et une forme d’harmonie  sans aspérité.

L'Enfant et les Sortilèges, un voyage onirique

Musique : Maurice Ravel - Création : Jean-Christophe Maillot

En deuxième partie de soirée, le rideau s’ouvre sur L’Enfant et les Sortilèges. Ravel est toujours à l’honneur, mais on change complètement d’univers, passant de la bienséance convenue à l’onirisme le plus débridé. 

L'Enfant et les Sortilèges, un voyage onirique © Alice Blangero

On connaît le livret de Colette, une fantaisie qu’elle écrit en 1914 à la demande du directeur de l’opéra de Paris et qu’elle avait d’abord simplement titrée « ballet pour ma fille ».  L'histoire tourne autour d'un enfant turbulent qui est puni par sa mère et se met à briser tout ce qui lui tombe sous la main. En réponse à ce méchant comportement, les objets endommagés, les animaux maltraités et les plantes bousculées prennent vie et se vengent. Mais l’histoire se termine sur une note positive : dans une bagarre, l’écureuil est blessé ; l'enfant dans un geste de compassion le soigne. Cela suffit à émouvoir tous ceux qu’il a malmenés et à les inciter au pardon.

On connaît aussi son rapport privilégié avec la Principauté, elle qui disait que Monaco était un pays dont les frontières étaient des fleurs où il y avait plus d’artistes que de militaires !

Le conte sera mis en musique par Ravel onze ans plus tard. Cette « fantaisie lyrique et chorégraphique » se situe à mi-chemin entre l’opéra et le ballet. Créée au printemps 1925 à l’Opéra de Monte-Carlo sur une chorégraphie de George Balanchine, il n’en reste plus que la mention historique.

Le prince Rainier et sa passion pour la musique

En 1992 Jean-Christophe Maillot recrée le ballet à Monaco. C’est la première fois qu’il y vient et ce spectacle lui servira en quelque sorte d’audition pour prendre ensuite la direction des ballets de Monte-Carlo en 1993.

La reprise de 2023 est pour lui une nouvelle création qui met à son générique David Molard Soriano comme directeur musical. Dans un interview donné à France Culture, le chef d’orchestre, qui a été notamment chef assistant de l’orchestre national de France, explique : «  Musicalement, c’est une œuvre dans laquelle on retrouve toutes les spécificités de l’écriture de Ravel, avec des pastiches, beaucoup de lyrisme. On est très à l’écoute du tempo des danseurs qui ont besoin d’un tempo régulier. Du point de vue lyrique, ce sont des parties de bravoure. Les rôles sont très courts mais redoutablement difficiles. Par exemple, Ravel a utilisé les voix pour les rendre parfois un peu ridicules en écrivant pour le ténor dans le grave et pour la basse très dans l’aigu parce que ça colle au personnage ! »

Ravel, Balanchine et Maillot, la soirée mémorable de 2023 aux Ballets de Monte-Carlo

240 artistes sur scène : 50 danseurs, 90 musiciens, 100 choristes

Cette soirée se devait d’être mémorable. Et pour cela, le chorégraphe-directeur des Ballets de Monte-Carlo n’a pas manqué de faire les choses en grand : 240 interprètes sur scène. Le délégué artistique de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Didier de Cottignies, précise que, pour l’occasion, « toutes les institutions culturelles de la Principauté font partie intégrante du spectacle. » Et, de fait, les ballets de Monte-Carlo étaient accompagnés par l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo placé sous la direction de David Molard Soriano, par le chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, par les Académies lyriques de l’Opéra et par le chœur d’enfants de l’Académie de musique et Théâtre Rainier III.

La Valse, un poème chorégraphique - © Alice Blangero

L’hommage était rendu à Ravel, au travail créateur de Jean-Christophe Maillot certes, mais aussi aux fantastiques costumes du scénographe Jérôme Kaplan, aux dessins de l’artiste belge Inès Reddah, et surtout à l’idée que l’opéra est un spectacle total, fait tout à la fois de couleurs, de formes, de volumes et de mobilités, de sons, de bruits et de paroles échappés des corps, des voix et de la diversité insolite des instruments.

Prochain spectacle des Ballets de Monte-Carlo

« To the Point(e) »

Une soirée sur pointes, « To the Point(e) » avec Within the Golden Hour de Christopher Wheeldon, Vers un Pays Sage de Jean-Christophe Maillot et Autodance de Sharon Eyal. 

Du 24 au 28 avril 2024 au Grimaldi Forum Monaco, salle des Princes.