Publié le 10/04/2020

Le Trophée d’Auguste au soleil de la Turbie, une Romanité triomphante

Ancré depuis plus de deux mille ans dans un paysage à couper le souffle surplombant la Principauté de Monaco, le Trophée des Alpes (appelé aussi le Trophée d’Auguste) contemple la mer et observe les hommes.

Trophee d Auguste ou trophée des Alpes monument historique La Turbie - ©By Anne Rodelato - Own work, CC BY-SA 3.0

Le Trophée des Alpes, appelé également Trophée d’Auguste, est un monument romain surplombant la Principauté de Monaco. Patrimoine classé monument historique, le Trophée d'Auguste, reflet du patrimoine architectural des Alpes Maritimes, est un site mythique de La Turbie.  Lieu insolite à découvrir entre les Alpilles et la baie de Monaco, ce monument classé fait partie des destinations touristiques les plus attractives en Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Le Trophée d'Auguste de La Turbie est un monument antique qui défie les hommes depuis plus de 2000 ans.

Le Trophée d'Auguste, repère entre l'extrémité de la chaîne montagneuse de la Route des Alpilles et la Baie de Monaco

"À l'empereur, fils du divin César, Auguste, grand pontife, salué impérator 14 fois, en sa 18e puissance tribunitienne, le Sénat et le peuple romain, en mémoire de ce que, sous les ordres et sous ses auspices, tous les peuples alpins, depuis la mer Supérieure jusqu'à l'Inférieure, ont été soumis à l'Empire romain. Les peuples alpins vaincus : les Trumpilins, les Camunes, les Vénostes, les Vennonètes, les Isarciens, les Breunes, les Génaunes, les Focunates, quatre nations vindéliciennes, les Consuanètes, les Rucinates, les Licates, les Caténates, les Ambisontes, les Rugusciens, les Suanètes, les Calucones, les Brixentes, les Lépontes, les Ubères, les Nantuates, les Sédunes, les Véragres, les Salasses, les Acitavones, les Médulles, les Ucennes, les Caturiges, les Brigiens, les Sogiontes, les Bodiontiques, les Némalones, les Édénates, les Ésubiens, les Véamines, les Gallites, les Triullates, les Ectiniens, les Vergunnes, les Eguitures, les Némétures, les Oratelles, les Nérusiens, les Vélaunes, les Suètres." (Inscription du Trophée des Alpes selon Pline l’Ancien Histoire naturelle, III, 136-137)

Trophée des Alpes ou Trophée d'Auguste - Structure du monument ©Zanner
Trophée des Alpes ou Trophée d'Auguste - Structure du monument ©Zanner

La Turbie, un balcon sur la mer

Après la chute de l'empire romain, le passage destructeur des Wisigoths, des Lombards, puis des Sarrasins, le nom de "La Turbia", apparait pour la première fois dans un document daté de 1078. Ce nom serait une déformation de "Turris Viae, la Tour sur la voie. Selon d’autres sources, le nom serait issu de Tropea Augusti (Trophée d’Auguste), devenant, après des déformations successives, La Turbie.

Véritable promontoire à 550 mètres d’altitude, la Turbie est un magnifique balcon sur la mer.

De San Remo jusqu’aux massifs du Var, avec une vue impressionnante sur la Principauté de Monaco, la commune de la Turbie, depuis son promontoire, offre un éblouissant tour d’horizon à 180° avec, en toile de fond, le bleu profond de la Méditerranée. La Turbie est française seulement depuis 1860 (date du rattachement de la Savoie et du Comté de Nice à La France). Le 1er cadastre, dit napoléonien, date ici de 1874. C'était une commune de 1400 hectares dont 398 hectares de terres cultivables situées sur les quartiers en bord de mer appelés "Bas quartiers" ou "Basse Turbie". On y accède grâce à l'autoroute acrobatique Nice-Menton aménagée vers 1969 avec tunnels et viaducs qui se succèdent, ou par "la grande corniche" (ancienne nationale 7). C'est Napoléon 1er qui ordonna la construction de la voie impériale devenue ensuite voie royale, puis grande corniche reliant Nice à Gênes. Les travaux furent exécutés entre 1806 et 1814. Cette route suit en partie le tracé de l'ancienne voie romaine : La Via Julia Augusta.

Le Trophée d'Auguste de la Turbie ou Trophée des Alpes surplombant la baie de Monaco
Le Trophée d'Auguste de la Turbie ou Trophée des Alpes surplombant la baie de Monaco

Tropaeum Alpium (Trophée des Alpes) dit aussi Trophée d'Auguste

Ils ont vaillamment résisté ces ‘rebelles’ !

Via Julia Augusta - Voie Romaine reliant par la côte le Var à la Ligurie
Via Julia Augusta - Voie romaine reliant par la côte le Var à la Ligurie

Quarante-quatre tribus celto-ligures qui refusaient de se soumettre à Rome ! Ces peuples imposaient alors à ceux qui empruntaient leurs cols un contrôle des relations commerciales et des mouvements militaires, inacceptable pour l’Empire romain !

Un homme, à la tête de ses légions, a eu raison de leur bravoure. Il s’appelait Octave.
La soumission de ces peuplades a permis la continuation de la voie aurélienne. Mais le maître de Rome et de la Gaule fut magnanime. Les vaincus, bénéficiant de la clémence impériale, reçurent en -10 la cité des Alpes Maritimes, dont la capitale, construite en face de Nikaia est Cemenelum, aujourd’hui, Cimiez, un simple quartier de Nice…

Histoire d'un Trophée (des Alpes Maritimes)

Erigé sur la route transalpine, le monument antique de La Turbie est un trophée dédié à Auguste en 7/6 av. J.-C. pour célébrer la soumission définitive des Alpes. Le Trophée d’Auguste est la première étape de l’itinéraire touristique transfrontalier « Via Julia Augusta », qui traverse 9 sites historiques italiens et français, de Vintimille à La Turbie. Exemplaire unique par la taille et l’importance historique, Le Trophée d'Auguste est reconnu d’intérêt national et géré par le Centre des Monuments Nationaux.
Le site, qui se compose du Trophée, de son musée et d’un immense parc, se visite toute l’année, sauf le lundi.

Connu sous l’antiquité sous les noms de Tropae Augusti (Trophée d’Auguste) ou Tropaeum Alpium (Trophée des Alpes), il s’agit d’un imposant monument célébrant les nombreuses victoires remportées sur 44 peuples au cours des campagnes augustéennes menées dans les Alpes.
D'après l'inscription portée sur le monument, le trophée fut édifié alors qu'Auguste avait été acclamé impérator pour la 14e fois (entre 7 et 3 av. J.-C.), lors du 16e renouvellement annuel de sa puissance tribunitienne (7-6 av. J.-C.), soit en 7-6 av. J.-C. Il fut élevé le long de la voie Iulia Augusta, route terminée en 13-12 av. J.-C. immédiatement après la pacification des Alpes maritimes (14 av. J.-C.).

Trophée d'Auguste - Sculptures extérieures
Trophée d'Auguste - Sculptures extérieurs

Construction du monument romain

Le monument romain est entièrement construit dans un calcaire blanc-ocre de provenance locale, extrait de la carrière du Mont Justicier à La Turbie. La partie basale du monument est un vaste parallélépipède rectangle à base carrée, de 35 mètres de côté, dont la plate-forme s'élève à 12 mètres de haut. Un vaste péristyle repose sur cette première plate-forme, surmonté par une rotonde comptant originellement 24 colonnes. Le toit conique de cette rotonde était lui-même surmonté par une statue d'Auguste, portant l'ensemble à une cinquantaine de mètres de haut. Malmené par le temps et l'histoire, le trophée n'est que partiellement conservé. Par chance, dans son Histoire naturelle (III, 136-137), Pline a retranscrit l'inscription qui ornait la façade ouest du monument, offrant un éclairage précieux pour la compréhension de l'histoire des peuples de l'arc alpin. Le Trophée, tel qu'il existe actuellement, a été en partie reconstruit suivant les vues de l'architecte Jules Formigé au début du 20ème siècle. Celui-ci s'est basé sur les éléments d'études de Vitruve, célèbre architecte romain, décédé avant l'achèvement du monument. La projection du monument tel que Jules Formigé nous l'a livrée n'est peut-être pas exacte, cependant elle est désormais ancrée depuis un siècle dans tous les esprits.

Ruines Trophée d'Auguste
Ruines du Trophée d'Auguste -Photographie provenant de la base Mémoire (de 1851 à 1914) ©monumentum.fr

Le choix des Romains pour La Turbie n'est certainement pas dû au hasard. En premier lieu, le site est mythique dans le monde antique, puisqu'il a été dédié à plusieurs dieux : Abbelio des Ligures, Melkart des Phéniciens, Héracles des Grecs et Hercule des Romains. Sa position stratégique, au plus haut point de la nouvelle voie Julia-Augusta, qui en reprenant le tracé de la voie Aurélienne, menait de l'Italie à Cimiez, en fait l'endroit parfait. Les voyageurs et les navigateurs pouvaient admirer de loin ce symbole de la puissance triomphante de l'Empire Romain. La Turbie est également la frontière "où finit l'Italie et commence la Gaule".

Pour réaliser le monumental projet, les romains ouvrent plusieurs carrières à La Turbie même et y puisent le calcaire indispensable (on estime à 35.000 m3 le volume de matériau ayant servi à la construction). Les marbres proviennent de Carrare (Italie), débarqués à Monaco, puis amenés sur le site. Ils serviront à réaliser des parties de l'inscription, les statuaires et les chapiteaux. L'eau nécessaire est tirée d'une source située à plus de quatre kilomètres.

Les Carrières Romaines de la Turbie
Les Carrières Romaines de la Turbie © laturbiemonvillage.fr

Auguste, maitre du monde, vainqueur de Cléopâtre et Marc Antoine

L'empereur Auguste, de son vrai nom Caius Octavus, est le fils d'un notable romain et de la nièce de Jules César, lequel en a fait son fils adoptif faute d'héritier direct.
Fondée en 753 av JC, Rome est une monarchie jusqu'en -510. Après -510, Rome est une république ; De -48 à -44, ce sera la dictature de César C'est un nouveau régime impérial qui commence en -27 sous Auguste. L'empire durera de -27 à 476. En l'an 476 après JC, Romulus Augustule dernier empereur de Rome est déposé et c'est la fin de l'Antiquité.

Sculpture antique d'Octave-Auguste. Créée vers 36-35 avant notre ère.
Sculpture antique d'Octave-Auguste. Créée vers 36-35 avant notre ère. Conservée au musée Saint-Raymond, musée des Antiquités de Toulouse

Auguste né Octave vers - 63 à Rome, mort en 14 à Nola en Italie fut le premier empereur romain de – 27 à 14, c'est-à-dire environ 40 ans. Octave, neveu que César avait adopté en -45, et Marc Antoine un de ses principaux lieutenants s'étaient associés pour écraser les troupes des assassins de César mort en 44. Av JC.

Ils se partagèrent le pouvoir durant quelques années. Marc Antoine s'occupait surtout de l'Orient, il épousa Cléopâtre la reine d'Egypte et ancienne maîtresse de César. Octave devient le grand maître de l'Occident.

En 27 av JC, Octave crée un nouveau régime : l’Empire. Le sixième mois de l’année, qui porte le nom de Sextilis, est renommé : il porte le nouveau nom d’Augustus, ce qui plus tard donnera le nom de notre mois d’Août.

Après la défaite de Marc Antoine et de sa maîtresse Cléopâtre à Actium et Alexandrie d'Égypte, vaincu par Octave, ce dernier peut célébrer à Rome, le 15 août 29 avant J.-C., le triomphe dû à un général vainqueur, même si tout le mérite de la victoire revient à son fidèle ami Agrippa.

Des figues empoisonnées…

Après avoir connu l’un des règnes les plus longs, Octave Auguste meurt le 19 août 14 à Nola, en Italie. Tacite rapporte que son épouse Livie aurait servi à son époux des figues empoisonnées. Mais ces allégations restent sans preuve. Son fils adoptif, Tibère, lui succède. Comme ils le firent pour César, les Romains érigèrent Auguste en dieu après sa mort.

Trophée d'Auguste sur le Mont Agel - Panoramique que la Baie de Monaco
Le Mont Agel - Panoramique que la Baie de Monaco ©By giggel, CC BY 3.0

Pour commémorer ses conquêtes le sénat et le peuple romain décrétèrent l'édification d'un important trophée. On le plaça au pied du Mont Agel où la via Julia Augusta, créée durant les opérations domine largement la côte méditerranéenne. C'est le seul trophée classée au patrimoine historique qui subsiste encore dans le monde romain avec celui d'Adamklissi qui s'élève en Roumanie à 150 km de Bucarest.