Publié le 28/12/2023

René Perrot – Le MUCEM – « Mon pauvre cœur est un hibou »

A Marseille, le Mucem, Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, en collaboration avec la Cité internationale de la tapisserie, expose jusqu’au 10 mars 2024,  René Perrot, artiste prolifique, dessinateur, peintre, passionné de nature et amant des animaux, témoin essentiel d’une époque et défenseur avant l’heure de notre humanité. 

Rene perrot tapisseries exposition Mucem

© Julie Cohen

René Perrot, « Mon pauvre cœur est un hibou », l'une des expositions à voir en ce moment au Mucem (Marseille) jusqu'au 10 mars 2024.
René Perrot (1912-1979) est un artiste particulièrement connu pour ses tapisseries, destinées à orner bâtiments officiels, ministères ou ambassades à travers le monde.

© Julie Cohen

René Perrot, « Mon pauvre cœur est un hibou »

Lors de la conférence de presse, les explications d’Alice Bernadac, de Raphaël Bories et de Marie-Charlotte Calafat, commissaires de l’exposition, accompagnés de Sylvie Poujade Perrot et Blaise Poujade Perrot, respectivement la fille et le petit-fils de René Perrot, ont permis d’appréhender et de s’attacher plus en profondeur à l’œuvre de cet artiste dont le Mucem possédait déjà environ 400 œuvres.  

Pour Sylvie Poujade Perrot, cette exposition, très appuyée également sur les collections du Mucem, offre une mise en parallèle très intéressante et nouvelle. C’est toujours, dit-elle, très étonnant de voir des œuvres qui sont familières, que l’on connait et que l’on retrouve dans un  autre lieu où la lecture est complètement différente ; on les redécouvre à chaque fois. 

« Un regard amoureusement poétique sur la nature… Notre héritage »

Pour Blaise Poujade Perrot, cette exposition est une invitation à porter un regard amoureusement poétique à la fois sur la nature, sur notre héritage, sur nous-mêmes, et cela au-delà des échecs de notre humanité dont il a pu être témoin au-travers des deux guerres mondiales et des différents moments de sa vie qui ont pu également être difficiles. C’est un bel appel à regarder la nature autrement, à regarder notre histoire autrement. 

Dans un fossé de mon village - René Perrot 1956 ©Collection du Mobilier national/ Philippe Sébert

Les dessins sont d’une précision extraordinaire, à croire qu’il a compté les plumes et les écailles. Il les déforme, les réinterprète pour les mettre en tapisserie. Un ornithologue reconnait absolument le genre d’oiseau alors qu’il est complètement réinterprété mais toujours à partir d’une véritable étude documentaire. La tapisserie est le résultat d’un travail de très grande précision, quasi un travail de naturaliste fait au crayon papier et une étude très précise des animaux, des pièces. René Perrot a une volonté de se contraindre  dans l’association qu’il va faire avec l’artisan, avec le matériau avec une volonté de développer son travail artistique, de montrer la diversité de la nature, mais en même temps d’être contraint par une charte graphique, par le matériau. Il a toujours été un témoin de son époque, mais aussi un témoin des choses qui traversent l’époque.

Blaise Poujade Perrot a rencontré son grand-père au travers de son œuvre, de sa poésie, de ses écrits, de ses dessins, de ses tapisseries, des gens qui l’ont aimé et qui lui en ont énormément parlé, de ses anciens élèves qui en parlent encore avec un amour absolument incommensurable et de sa grand-mère qui a été présente relativement longtemps. Il dit sa  passion de découvrir des œuvres qu’il ne connaissait pas, de relire, en quelque sorte, le reste de son œuvre au-travers d’un certain nombre de nouveaux dessins, de connaître une autre partie de sa vie, éventuellement de mieux comprendre la démarche qui l’a occupée. 

Blaise Poujade Perrot et Sylvie Poujade Perrot - ©Marie-Céline

René Perrot, la nature pour univers

« C’était un taiseux, nous dit Sylvie Poujade Perrot, il aimait bien qu’on lui fiche la paix. Je l’ai vu du soir au matin dessiner et peindre. Je me réveillais le matin, il dessinait déjà ; la nuit il dessinait, il n’arrêtait pas de dessiner. La nature était son centre d’intérêt principal. On a fait de longues promenades dans les bois. Il ramassait des plumes, des champignons, des feuilles. Pas de mot mais… Son autre centre d’intérêt, c’étaient ses élèves des Beaux-Arts et ceux d’Arts Déco par la suite. Il adorait ses élèves et ses élèves le lui rendaient bien. A l’atelier, c’était un peu plus festif. Quand il travaillait, personne ne le dérangeait. » 

Né dans la nature, dans un village du haut-Doubs où la nature était très présente, René Perrot a toujours vécu en Corrèze avec son épouse. La nature a été son univers. C’était un homme des bois, un crayon à la main, qui peignait et dessinait tout ce qu’il voyait et créait des ateliers partout où il allait, que ce soit à Collioure, en Corrèze, ou ailleurs. Il trouvait toujours une table et se mettait à dessiner. Il évitait ainsi qu’on vienne l’ennuyer inutilement.

Si son épouse l’appelait « Bonhomme », les élèves le nommaient, même les plus intimes, Monsieur Perrot, avec infiniment de respect.

© Julie Cohen

Une exposition au parcours monographique

Cette magnifique exposition retrace la trajectoire d’un homme de la première guerre mondiale jusqu’à son décès. Un homme, un artiste, qui observe, regarde, écoute, entend, partage. René Perrot va passer sa vie à observer. Il va observer le monde à la fois tel qu’il est et y mettre beaucoup de poésie. Le sous-titre de l’exposition qui est un petit extrait d’un poème de Guillaume Apollinaire « Mon pauvre cœur est un hibou », donne toute la poétique de l’œuvre de René Perrot. C’est une œuvre particulière à un moment particulier. C’est un homme qui a cheminé, dans les campagnes, dans cette France rurale, agricole, qui était en train de se perdre. En 1942, on a demandé à des ethnologues et des artistes de venir témoigner de cette France en train de disparaitre, de cheminer dans ce monde lui-même à mi-chemin. L’idée est de partir sur un parcours artistique pour comprendre cette relation avec la société qui évolue. Il s’agit d’un parcours monographique, un parcours artistique, qui traite de l’ensemble de la vie, de la carrière, de la production de l’artiste. Le parcours est bâti à partir de son travail dans les années 1930, de sa formation comme affichiste à l’école des arts décoratifs à Paris etc. et se déploie sur les cinquante années de sa carrière, de sa production artistique.

René Perrot et sa chouette chevêche Grisette. Vers 1958. © Yves Inchierman

Garder la trace des choses humaines

Dans une France qui s’industrialise et va perdre ce contact avec la nature et l’environnement, à l’instar de la volonté affichée par le MUCEM, René Perrot va garder cette trace des choses humaines, garder trace de ce qui peut disparaitre, éviter que le temps choisisse pour nous. René Perrot va le faire, brillamment, avec tout son talent. Il va développer un intérêt, un rapport aux animaux et à la nature, qui aujourd’hui nous semble plus évident, plus moderne qu’à l’époque. Il nous décrit la situation des hommes et les choses de la vie à un moment donné, dans une France qui s’industrialise et va perdre ce contact avec la nature et l’environnement. 

René Perrot, un artiste visionnaire

Né en 1912 et mort en 1979, René Perrot est un artiste peintre, cartonnier de tapisseries, dessinateur, graveur, céramiste. Foncièrement pacifiste, son œuvre ouvre nos yeux sur l’intérêt de défendre une humanité et de la recréer. 

Sa passion fait de lui un artiste visionnaire à redécouvrir sans tarder au MUCEM

Renseignements Exposition René Perrot "Mon pauvre cœur est un hibou"

Mucem -Bâtiment Georges Henri Rivière — fort Saint-Jean13002 Marseille

Du 24 novembre 2023 au 10 mars 2024
de 10h à 18h - Fermé le mardi .