Publié le 01/02/2021

Lorraine Fouchet, l’écriture enchantée d’une écrivaine de talent

Lorraine Fouchet est écrivain, scénariste et docteur en médecine. Elle est la fille de Christian Fouchet, ancien ministre du général de Gaulle, décédé en 1974. Après quinze ans en médecin d’urgence au SAMU de Paris, à Europ Assistance et à SOS Médecins Paris, elle décide de se consacrer à l’écriture le jour où elle réalise le certificat de décès de Marguerite Duras.

lorraine fouchet ecriture christian biographie livre groix © Photo à la Une : Philippe Matsas/ Leextra / Éditions Héloïse D'Ormesson

Sur son île, en Italie, ou au fil des pages, Lorraine Fouchet rayonne auprès de ceux qu’elle croise, de ceux qu’elle aime et de ceux qui ont le plaisir de la lire.

« Regarder la mer, avec un verre de Prosecco et des tomates séchées, c’est cela le bonheur, la Felicita… Je crois que le bonheur est contagieux. »

A elles seules, ces deux phrases résument Lorraine Fouchet. Quand on sait, plume en main, s’ouvrir au bonheur avec autant de simplicité tout en gardant la tendresse du passé, la sérénité est là, la boucle est bouclée.

Une parenthèse enchantée

Ce n’est pas à une interview téléphonique classique à laquelle je me suis attachée pour le magazine ProjecteurTV.com en ce mois de janvier mais à une "parenthèse enchantée". L’expression ne m’appartient pas. Elle m’a été adressée, deux heures après notre entretien, par Lorraine Fouchet, femme passionnée, passionnante, amoureuse de la vie et de son humanité. Sa voix résonne encore en moi au moment de retranscrire ses paroles. C’est la voix d’une femme forte et tendre à la fois, qui se livre sans détour, avec empathie. Je l’imagine dans son île bretonne, son chien jouant près d’elle durant la conversation. Je ne sais pas la couleur du ciel mais ses mots transmettent celle de son âme. Lorraine Fouchet est solaire, c’est une femme vraie. Rien d’étonnant à ce que ses livres, écrits avec brio, ingéniosité, habileté, et esprit, recueillent le consensus "enchanté" des lecteurs.

« J’ai sauvé des vies, maintenant je donne des ailes avec mes histoires. » Lorraine Fouchet

Rencontre avec Lorraine Fouchet

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Vous êtes fille unique, héritière d’un passé héroïque, est-ce que ce n’est pas trop lourd à porter ?

lorraine fouchet fleurs jardin

Lorraine Fouchet : Eh bien, non ! Je dirais que cela donne plutôt des ailes. Je pense que tous nos parents, chacun de façon différente, sont nos héros. Si on les aime, on les aime… J’ai eu un père qui était un grand résistant et je suis tombée dans la marmite quand j’étais petite. Que ce soit du côté de maman ou du côté de papa, ils ont tous fait de la résistance. Maman a perdu son frère de 18 ans à la guerre ; papa a perdu ses trois grands frères. Maman était résistante. Papa était grand résistant et Français libre ; mes grands-parents aussi. Donc tout cela me parait normal. Eux étaient tous des gens courageux, moi je raconte des histoires. Ce n’est pas du tout la même chose. Je suis médecin, j’ai sauvé des vies et maintenant je donne des ailes avec mes histoires. Tout cela est moins héroïque, je fais ma petite part.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Avez-vous justement, par rapport à votre passé et à vos parents, envie de raconter la "grande histoire" vue à travers votre prisme ?

Lorraine Fouchet : Mon prochain roman qui sort en avril, qui sera le 21ème. « J’ai rendez-vous avec toi », est un dialogue avec mon père à travers le temps. Mon père est mort j’avais 17 ans. C’est un peu comme si on se retrouvait tous les deux au coin du feu maintenant. Il me raconte son histoire et je lui raconte les petits cailloux dans l’eau qu’il a semé par rapport à la mienne. Un seul livre sur les 21.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Vous écrivez un livre par an il me semble ?

Lorraine Fouchet : Mais je ne sais faire que ça et le soufflé au fromage et depuis le confinement je sais faire le pain.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Vous le faites excellemment. Vous avez d’ailleurs été récompensée plusieurs fois.

"Quelquefois dans la vie, on est au bon moment au bon endroit, pour la personne qu’il faut, pour trouver une maison, un appartement, et quelquefois pour un prix."

Lorraine Fouchet : Je ne suis pas sûre que les prix signent. Quelquefois dans la vie, on est au bon moment au bon endroit, pour la personne qu’il faut, pour trouver une maison, un appartement, et quelquefois pour un prix. Ça ne veut pas dire que le livre est meilleur que celui du copain. Dans mon métier de médecin, si ce n’était pas moi qui sauvais la vie de quelqu’un, quand je travaillais au SAMU ou à SOS Médecins, c’était un confrère ou une consœur. On écrit tous des livres. L’essentiel est que pour chaque personne, pour chaque lecteur, je crois, il y ait un livre qui va l’aider ou lui changer la vie. Les prix, c’est comme quelqu’un qui vous sert un bon verre de vin, qui lève le verre à la lumière et dit « A la tienne ! ». C’est un gage de rien. C’est un plaisir, une chance.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Mais ces distinctions est-ce qu’elles changent tout de même quelque chose dans la vie d’un écrivain ?

fouchet ile de groix

Lorraine Fouchet : J’imagine que le Goncourt, le Renaudot, le Femina, qui sont des prix immenses, changent quelque chose dans la vie de l’écrivain. Moi, je n’ai pas eu ces prix qui sont les plus prestigieux. Je n’ai pas foulé le tapis rouge du Festival de Cannes. J’ai eu des prix différents, mais, pour moi, avoir le prix Bretagne, le prix Breizh et le prix Ouest, comme je partage ma vie entre les Yvelines et l’Ile de Groix en Bretagne, j’ai trouvé que c’était une chance extraordinaire. Je ne suis pas Bretonne et avoir des prix bretons, ça veut dire que mes livres ne sont pas ceux d’une Parisienne arrogante, ce qui n’est absolument pas le cas.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : A ce sujet, vous qui, je l’ai lu, aimez l’Italie, qu’est-ce qui vous attire en Bretagne, l’atmosphère, les gens, des souvenirs, est-ce cet esprit gaulois dont on parle beaucoup en ce moment ? Et comment se fait-il que vous soyez en même temps, dans cet amour de la Bretagne et de l’Italie, si différentes ?

Lorraine Fouchet : Dans une vie on fait des rencontres. Mes meilleurs amis sont Italiens donc depuis trente ans, j’écris - en dehors de cette année ou c’était un peu différent avec le COVID - j’écris tous les étés, en août, chez mes amis à Rome. J’écris toute la journée. Facciamo la festa !

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Brava, bravissima…

« Les îles sont aux insulaires qui se sont battus pour les préserver. »

Lorraine Fouchet : On loue également une maison à Venise avec des amis et on se promène. L’Italia è vicino al mio cuore, veramente. J’ai passé toutes mes vacances d’enfant dans le midi, pas très loin de Marseille, à Antibes, chez ma grand-mère. Mon cœur était à Antibes, je ne connaissais pas la Bretagne, puis quand mes parents ont commencé à construire une maison dans le Morbihan - papa est mort, la maison n’était pas finie - nous nous sommes installées, maman et moi, dans cette maison de vacances et j’ai découvert le Morbihan, le Finistère également où nous avions des amis. Ensuite ma grand-mère est morte et nous n’allions plus dans le midi car, pour moi, le midi, c’était ma grand-mère. Il y a vingt ans, j’avais écrit un livre qui se passait dans le Morbihan et j’ai dit à une amie « J’adorerais écrire un jour sur une île. » Elle m’a appelée quelques mois après pour me dire « J’ai des amis très proches qui ont une petite maison sur l’île de Groix et qu’ils vont mettre en vente lundi. Est-ce-que tu veux venir la voir ?»

fouchet-chien

On était samedi. J’ai mis mon chien, un basset hound, vous savez, le chien de Colombo, dans la voiture, je suis venue ici et je suis tombée amoureuse de cette maison que j’ai achetée. C’est vrai que j’ai toujours adoré l’Irlande, l’Écosse, les îles celtes. Je ne peux pas du tout dire que je me sens chez moi puisque je ne suis pas chez moi, je ne suis pas Bretonne. Je pense que les îles sont aux insulaires qui se sont battus pour les préserver et les maisons voient passer les gens. Moi, je suis juste une des personnes qui vit dans cette petite maison. Après il y aura d’autres gens. Mais quand je mets le pied sur le bateau, mon copain Baptiste Beaulieu a une très jolie phrase. Il m’a dit : « Toi, on a l’impression quand tu arrives à Groix, que tu es au juste endroit de ta vie. » C’est cela :

« Je suis au juste endroit de ma vie. »

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Est-ce que ces deux atmosphères en Italie et en Bretagne, faites de rêve, de mystère, sont présentes dans vos livres ?

Lorraine Fouchet : Je crois que le bonheur est contagieux, plus que le virus et que si on est porté par des lieux qu’on aime et des gens qu’on aime, on arrive dans les livres à transmettre de la force, du peps, de l’émotion et de la vie.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Vous qui avez vécu parmi les grands…

Lorraine Fouchet : C’est quoi les grands, c’est qui ?

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : C’est Malraux, ce sont vos parents, c’est Antoine de Saint-Exupéry…

Lorraine Fouchet : Ça, ce sont des gens connus, mais on vit tous parmi les grands. On a tous à côté de nous des gens qui sont des grands.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : J’adore ce que vous dites. Mais ma question complète est : de qui et de quoi vous inspirez-vous ?

christian fouchet famille

Lorraine Fouchet : Je pense que le fait que mon père soit mort quand j’avais 17 ans me donne une force énorme car je n’ai pas eu le temps de m’opposer à lui, dans ce qu’on appelle le problème des générations. C’était quelqu’un de courageux qui écrivait. André Malraux écrivait. Quand j’étais petite à la maison, il y avait Maurois, Mauriac, ils écrivaient. Mon oncle et parrain Gaston Palewski écrivait. J’ai toujours considéré que c’était ce qu’il fallait faire dans la vie. En plus, comme j’étais fille unique, je m’embêtais toute seule. J’adorais aller à l’école, j’adorais aller chez les scouts, en colonie de vacances. Quand je rentrais, je m’inventais des amis de papier qui étaient les héros de mes livres. Maintenant je suis grande et je ne suis plus seule, mais je continue à avoir et des figures tutélaires et des personnages qui sont des amis de papier et puis les vrais amis, les vrais amours.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Ces figures tutélaires, quelles sont-elles exactement ?

« Je construits un petit monde où j’espère que les lectrices et les lecteurs aiment se balader. »

Lorraine Fouchet : Malraux, qui était un grand ami de papa. J’adore les vins italiens pour revenir à cela et il y a un vin qui m’a frappé. Une anecdote : Pour mes onze ans, papa et Malraux m’ont fait goûter du Château Petrus. C’était un vin qu’il adorait. Il voulait simplement me le faire goûter, mais à onze ans on n’aime pas le vin. Ce n’est pas ce qu’écrivait Malraux, c’est ce qu’il était. J’adore Agatha Christie. J’ai lu plein de fois les 84 Agatha Christie. J’adore Simenon, mais ceux du commissaire Maigret. C’est-à-dire, l’idée de créer un personnage qui devient tellement réel pour les gens. La force de Simenon est qu’on est ces personnages. A l’heure actuelle, j’adore Fred Vargas. J’adore Donna Léon parce que j’adore Venise. Je me balade dans Venise. J’aime beaucoup les personnages récurrents. Je trouve ça très important. Je suis allée en pension en Angleterre pendant ma scolarité et j’adore Harry Potter, parce qu’elle a créé un monde. Dans mes derniers romans, je joue avec le monde de Groix. Je mets les personnages secondaires qui sont de vraies personnes et j’invente les personnages principaux. Il y a toujours un petit rapport avec l’Italie. Je construits un petit monde où j’espère que les lectrices et les lecteurs aiment se balader.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Vous avez écrit : « J’ai su très jeune qu’une famille est un jeu de chaises musicales. Chaque fois que la musique s’arrête Dieu retire une chaise et il manque quelqu’un à l’appel. C’est toi qui as ouvert le bal, papa. » La plaie est toujours ouverte ?

« La grande chance qu’on a en tant que romancier, c’est qu’on ne quitte jamais les maisons d’enfance, on garde les clés et on ouvre la porte de toutes les maisons de nos vies. »

fouchet parents

Lorraine Fouchet : Certainement, mais elle n’est plus béante. Elle est cicatrisée, elle est ce que je suis…. Dans mon idée, mon père est devenu un ami de 63 ans, plus jeune que moi. La grande chance qu’on a en tant que romancier, c’est qu’on ne quitte jamais les maisons d’enfance, on garde les clés et on ouvre la porte de toutes les maisons de nos vies. On peut ainsi prendre l’apéro avec tous les gens dont la chaise a été retirée quand la musique s’arrête.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : L’écriture pour vous, Lorraine, c’est un exutoire, un héritage que vous voulez laisser ou la transmission d’une pensée, d’une idée ?

« L’écriture, c’est un plaisir pour moi, vraiment, comme le vin ou l’amitié. »

Lorraine Fouchet : Aucun des trois je crois. Exutoire, dans mon idée est un peu négatif, héritage, c’est trop sérieux et transmission, trop brillant. D’abord l’écriture, c’est un plaisir pour moi, vraiment, comme le vin ou l’amitié. C’est aussi mon travail. Ce sont des heures de labeur, des mois de réécriture mais ah ! J’aime ça ! C’est le même plaisir que d’aller en promenade avec mon chien. C’est une aventure, voilà. J’adore les voyages aussi. Chaque livre est une aventure. Je fais ma valise, c’est-à-dire que je prépare mes personnages, mes idées. Il y a un moment où je prends l’avion, c’est-à-dire j’ouvre l’ordinateur et je me mets à écrire. Tous les jours ne sont pas joyeux. Si je veux faire partager des émotions, il faut bien que je plonge dans les miennes.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Faire partager des émotions. Les thématiques sont plurielles ?

Lorraine Fouchet : Oui, il y a toujours une histoire de famille, parce qu’on descend tous d’une famille. Il y a des secrets. Comme j’étais fille unique, généralement il y a des frères et sœurs, tant qu’à faire, changeons la donne. Il y a des pères. Il y a de l’amour, il y a des surprises. Je voudrais que les lecteurs soient chamboulés. Par contre ça finit toujours bien parce que, dans le temps qui nous est imparti, autant rire que pleurer. Une des raisons pour laquelle j’ai déposé vraiment mon stétho, j’ai rédigé le certificat de décès de Marguerite Duras…

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Oui, et vous avez dit « C’était une question de vie ou de mort, c’est devenu une question de vie ou de mots ». Est-ce une revanche sur la vie ?

Lorraine Fouchet : Non, revanche c’est négatif. Dans revanche il y a à la fois résilience et vengeance, pour moi. Ce n’est pas une revanche, c’est un catalyseur, c’est décider de quel plongeoir on plonge.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : En ces temps de COVID, où il y a urgence à faire rêver, faire rêver comment ?

« Je poste tous les dimanches le journal de mon chien. »

fouchet velo jardin

Lorraine Fouchet : Oui, oh oui ! C’est très dur moralement et c’est très dur économiquement. J’ai la chance d’avoir un métier - car je considère que l’écriture, c’est ma joie, mais c’est mon métier - un métier où ça ne change rien moralement car on a la chance d’avoir les réseaux sociaux qui font que même s’il n’y a plus ces rencontres en librairie, ces salons qui nous manquent, on garde quand-même une visibilité et un lien avec les lecteurs. Et puis, j’ai la chance, tant que les librairies sont ouvertes - les librairies plus que les plates-formes internet - que les lecteurs puissent avoir nos livres. On n’a pas baissé mon rideau comme les restaurateurs. Cela fait dix mois que nous vivons quelque chose d’absolument surréaliste. On a l’impression que c’est de la science-fiction. On connait tous des personnes qui sont parties là où on va après. On connait des personnes qui ont fait des séjours en hôpital, qui ont des séquelles. J’ai posé mon stétho il y a vingt ans, mais s’il y a besoin d’aider je pourrais aider dès que je serai vaccinée. Je crois que le plus difficile est derrière. Il ne faut pas lâcher l’affaire, il faut continuer.

Je poste tous les dimanches "le journal de mon chien" qui est un petit westie qui s’appelle "mon pote". C’est lui qui parle, il regarde les choses à-travers son regard de chien et il dit « Restez bien avec les cache-truffes ; lavez-vous les pattes. Je crois qu’il faut continuer à faire attention, se vacciner et que, un jour, ça sera derrière. Une des raisons quand j’ai arrêté : j’avais entendu une psychologue dans une émission de radio qui disait : « On naît, on meurt ; on rencontre l’amour, et on change de vie en une seconde. » Il y a une seconde comme ça qui change. Cela veut dire que tout peut arriver demain. On vous demande quelquefois "quel est votre proverbe", c’est de dire : « On est tous sur le pont du Titanic - c’est-à-dire que l’on sait quand on nait qu’on va tous mourir un jour - mais on a le choix chaque jour de la danse et de la musique. »

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Pour être médecin au SAMU pendant de longues années, il faut avoir le cœur solide, l’humanité en soi. Ce fut difficile et vous servez-vous de cette expérience ?

« Je fais feux de tous rires et de toutes larmes. »

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Lorraine Fouchet : Ça a été exaltant, ça a été fascinant. Quand on est jeune, on a l’impression qu’on est invulnérable, que rien ne peut vous arriver. Donc on peut crapahuter dans les voitures écrasées ou… On a l’impression qu’on a plus fort que la mort, ce qui évidemment n’est pas vrai. Je n’aime pas la solitude ; j’adore travailler en équipe. J’ai travaillé en équipe avec notre ami commun Fanfan. Quand on publie un livre, c’est travailler en équipe avec tous les acteurs du livre et avec l’éditeur qui vous fait confiance. En médecine, c’est pareil. Et bien sûr, je me sers de mon expérience. J’utilise, dans le joli sens du terme. Les patients sont des personnages de roman. Oui, j’utilise la vie, la mort, la peur, le soulagement. Je fais feux de tous rires et de toutes larmes.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Comment écrivez-vous, en écoutant de la musique classique, dans un silence profond, avec le chant des oiseaux, la couleur des toits de Rome…

« Je mets à la fin de tous mes livres la playlist des musiques des personnages et des musiques du livre. »

Lorraine Fouchet : Il me faut le silence et un ordinateur mais j’ai toujours dans ma poche des petits carnets et des petits crayons Ikea car ils ont la bonne taille et je note tout le temps des choses. J’écoute beaucoup de musique mais pas en écrivant. Par contre, je mets à la fin de tous mes livres la playlist des musiques des personnages et des musiques du livre. Il y a toujours un air de Barbara. Il y a Mina, immense chanteuse italienne, et Reggiani, toujours. Puis, j’ai Mozart, Beethoven, l’Ave Maria de Caccini etc.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Vous m’avez parlé de vos projets. Quand sortira votre prochain livre ?

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Lorraine Fouchet : Le livre sort le 2 avril. Il va s’appeler "Face à la mer immense". Il est chez Héloïse d’Ormesson qui est une merveilleuse éditrice et dont le père était un ami de mes parents mais ce n’est pas pour cela qu’elle m’édite, c’est un plaisir aussi. Voilà, l’histoire continue. Et, en même temps sort en livre de poche mon livre de l’année dernière "J’ai failli te manquer" qui est un dialogue avec ma mère mais sous forme de roman et "J’ai rendez-vous avec toi" qui est le dialogue avec mon père, qui sort en livre de poche. Et mon livre d’il y a deux ans qui sort en Italie chez Garzanti. Dans les livres publiés en Italie, il y a "Cambio vita", "Il batello del mattino", "La sera delle promesse", etc.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Êtes-vous toujours présidente de la commission LIR au Centre national du livre ?

Lorraine Fouchet : Je ne suis pas présidente de la commission, mais du collège, normalement pour trois ans. Cela aurait dû s’arrêter cette année, mais comme il y a ce COVID, je pense qu’on repart tous pour un an. C’est donner un peu de temps au monde littéraire.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Quelle serait votre définition du bonheur ?

« Réaliser nos rêves et ne jamais avoir de regrets de choses qu’on n’a pas faites, oser.»

Lorraine Fouchet : J’ai deux réponses qui s’entrechoquent dans ma tête. Ma première c’est que je pose toujours la question est-ce qu’il y a quelque chose à changer ou je continue comme ça. Quand je reviens avec la personne que j’aime à chaque fois je me dis : « Est-ce que j’aurais aimé revenir avec quelqu’un d’autre, eh bien non. Est-ce que j’aimerais faire un autre métier, non. » C’est d’avoir des projets et pas de regrets. Il y a une autre chose aussi évidente pour moi, je me dis souvent, peut-être ayant été médecin, la mort fait partie de la vie et je me dis que le jour de ma mort, en me retournant, je ne regrette rien. C’est une des raisons aussi pour lesquelles j’ai changé de vie parce que j’ai adoré être médecin, j’adore encore plus écrire. Réaliser nos rêves et ne jamais avoir de regrets de choses qu’on n’a pas faites, oser.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Un petit clin d’œil - Aimez-vous le Champagne Lorraine ?

fouchet vin italien

Lorraine Fouchet : (Elle rit) J’adore le champagne car en effet mon arrière, arrière-grand-père était Eugène Mercier qui a démocratisé le champagne. Il a transformé le vin des rois en vin des fêtes. Quel que soit le champagne que vous buvez aujourd’hui, vous le lui devez. A l’époque, tous les Champagne étaient pour l’exportation, pour le tsar, pour la cour d’Angleterre. Lui a dit, non le champagne c’est pour les paysans, pour les ouvriers, c’est pour tout le monde. J’adore le champagne, j’adore le Prosecco, j’adore tous les vini bianchi frizzanti. J’ai eu la chance d’être Compagnon du Tastevin du clos de vougeot parce qu’il y a là un salon du livre merveilleux qui s’appelle "livres en vigne". Dans le midi il y a un salon du livre que j’adore aussi, Sablet, dans le Vaucluse et je suis compagnon du Tastevin des vins du Vaucluse.

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Voulez-vous ajouter quelque chose à cette interview ?

Lorraine Fouchet : Peut-être que ce qui est beau dans les livres, c’est qu’on n’a pas besoin de masque ni de confinement et que ça vous donne une attestation illimitée pour le bonheur et pour le rêve.

L’interview s’achève sur un sourire partagé. A quoi pense Lorraine Fouchet, sur son île "Face à la mer immense" ? Aux chaises absentes, aux sacrifices de ses oncles morts lors de la dernière guerre ? A l’attitude héroïque et à la tendresse du père, à son humanité en héritage ? Je ne sais pas. C’est son intimité ; elle lui appartient. Mais je l’imagine volontiers un regard clair tendu vers l’avenir, des yeux pétillants d’intelligence et d’esprit, goûtant la vie comme on boit à la coupe… de champagne, bien sûr. Lire, dit Lorraine Foucher, est une attestation illimitée pour le bonheur et pour le rêve. Empressons-nous d’en faire un adage, en découvrant les siens.

Précision : Le 22e livre de Lorraine Fouchet ’Face à la mer immense’ sort chez Héloïse d’Ormesson en avril : une histoire de mariage à l’île de Groix, de mystère, de suspense et de sourire.
Dans ‘J’ai rendez-vous avec toi’, qui sort en avril en livre de poche (sorti chez Héloïse d’Ormesson il y a 5ans), Lorraine Fouchet écrit sur le grande histoire.

© Photo à la Une : Philippe Matsas/ Leextra / Éditions Héloïse D'Ormesson