Publié le 10/01/2021

Beausoleil, un musée Belle Époque et Art déco à ciel ouvert

Surplombant le littoral monégasque, Beausoleil, ville frontalière de Monaco, abrite en son minuscule territoire (2,79 km²) des trésors architecturaux qui valent le détour. Découverte de leur histoire depuis Camille Blanc, premier Maire de la cité, des villas Belle Epoque et de l’ancien hôtel Riviera Palace, fleuron de la cité « Musée à ciel ouvert »

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En 1904, Camille Blanc, président de la Société des Bains de Mer (SBM), devient le premier maire de Beausoleil, la ville s’appelait alors « Monte-Carlo Supérieur ». Une crémaillère reliait la Principauté de Monaco au Riviera Palace situé à 180 mètres au-dessus de la mer, un hôtel de 150 chambres où fourmillaient 1000 employés...

Le Jardin d’hiver du Riviera Palace © VLR

Le Riviera Palace, fleuron du patrimoine de Beausoleil

Le Jardin d’hiver et sa verrière unique en Europe : joyau de Beausoleil

Les serres-jardins sont nées de la vogue des savants botanistes du XVIIIème siècle et du développement de l’industrie du fer et du verre au XIXème siècle, elles sont de véritables joyaux. Construit sur deux niveaux, le Jardin d’hiver du Riviera Palace, est exceptionnel par son ampleur, plus de 900 m², et plus encore par la hauteur de sa verrière : 27 mètres, attribuée à Gustave Eiffel.

Unique en Europe, elle associe, dans sa perspective aérienne, galerie et rotonde, voûte ogivale et dôme, murailles de pierre, et rochers. Heureuse nouvelle en 1989, le Riviera Palace de Beausoleil (aujourd’hui reconverti en résidences), est inscrit au Patrimoine des Monuments Historiques … Sa construction qui débute en 1898, d’après les plans de l’architecte Georges-Paul Chedanne (Grand Prix de Rome en 1887), pour le compte de la Compagnie des Wagons-Lits, s’achèvera en 1902.

Le souvenir des hôtes de marque hante le Riviera Palace

Au début du XXème siècle, le Riviera Palace accueille la riche clientèle russe, austro-hongroise puis anglaise, de somptueuses fêtes y sont données. Il devient très vite un pôle de villégiature et de mondanités. Parmi les hôtes de marque qui y séjourneront : Léopold II, Roi des Belges, la famille impériale de Russie, les Shah de Perse, les grands danseurs et musiciens russes : Diaguilev, Nijinski, Stravinsky, la femme de lettres Colette ou encore Winston Churchill qui avait pour habitude selon la légende de « s’inviter » chez les résidents… Depuis l’accident de la Crémaillère en 1932, c’est l’escalier monumental dressé au milieu de la cité beausoleilloise (480 marches !) qui permet d’y accéder..

Les architectes de l'éclectisme de 1870 à 1935 à Beausoleil*

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Villa Musica (Av.de Villaine) ©Archives communales/Beausoleil Ciné Photo Club

L’Art déco dans toute sa splendeur

Aux contorsions et aux courbes de l'Art nouveau succède, dès 1910, une tendance vers une géométrisation des thèmes ornementaux. Un nouveau style, l’Art déco, met en lumière la clarté et la rigueur. Si la veine végétale de l’Art nouveau demeure, ses représentations s’épurent. Elles se caractérisent par des combinaisons de formes géométriques, des motifs inspirés de l’Orient et de l’Art africain, des jeunes femmes dansant et des personnages nus et trapus, le style « paquebot » très dépouillé qui s’appuie sur des formes élémentaires et enfin, des motifs floraux géométriques, comme la fameuse rose 1930, traitée en bouquets ou en guirlandes et, sur toute la Côte d’Azur, des agrumes. A Beausoleil en demeurent de nos jours de multiples exemples remarquables.

A Beausoleil, un ensemble de villas Belle Époque et Art déco

A deux pas de la Principauté de Monaco, tout au long de l’avenue de Villaine, on découvre ébahis les plus beaux fleurons de villas Belle Époque et Art déco de la ville de Beausoleil. C’est à Monte-Carlo que l’architecte Jacques Durand (qui aurait participé à la construction de l’Hôtel Hermitage), entre 1906 et 1911, signe les plans des villas « Cathy », « Carina », « Musika », « Ker Maria » de l’avenue de Villaine (n° 22 à 32). De riches modénatures sont les symboles de la qualité du propriétaire, comme la lyre figurant au fronton de la Villa Musika (n° 16), commandée en 1909 par Louis Vialet, chef d’orchestre de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo...

La villa « Les Éparges », dans la mouvance Art Déco

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Villa « Les Eparges » (Av. Maréchal Foch) © VLR

Sise au 34 avenue Maréchal Foch, ancienne demeure de Paul-Joseph Chiabaut, entrepreneur de travaux publics et maire de Beausoleil, dans la mouvance Art déco, la villa Les Éparges est construite en béton armé en 1927. Sa façade, rythmée de balcons et de loggias, offre d’intéressantes et très belle céramiques vernissées polychromes : oranges et citrons se détachent en lourdes grappes sur un fond mauve tandis que des balustres grenat colorent les balcons. La villa doit son nom à Paul-Joseph Chiabaut en hommage au lieu où son frère, aide de camp du maréchal Foch, trouva la mort pendant la première guerre mondiale... L’architecte y recevra le Maréchal venu en janvier 1928 inaugurer à deux pas le Foyer du Poilu.

La villa « Juturne » de Beausoleil et ses fresques florentines…

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La Maison Juturne (Av. De Gaulle) ©Archives communales/Beausoleil Ciné Photo Club

L’avenue de Gaulle abrite la villa "Juturne". A demi effacées, ses fresques sur la façade laissent deviner une profusion de personnages illustrant des scènes de la vie florentine. La cage d’escalier, les corridors et des appartements sont tapissés de fresques… Ce chef d’œuvre pictural est dû au propriétaire artiste et architecte italien du lieu : Patrizio Rogolini. De multiples courants artistiques l’ont inspiré : l’art gothique et ses ogives, la Renaissance italienne, avec Mantegna dont il reproduit le Christ gisant. En 1913, l’artiste, domicilié à Beausoleil, sollicite l’autorisation de construire la villa, destinée à recevoir, en appartements meublés, et pour des séjours les hivernants et leurs domestiques. Patrizio Rogolini naît en 1864 à Cuveglio in Valle, en Italie. A Paris, la Comédie Française lui confiera son rideau de scène. A Rio de La Plata, il décorera le Palais du Gouverneur. Beausoleil lui doit aussi « un ciel cerné d’une treille fleurie », plafond de la Salle des fêtes de sa mairie…

Un décor personnalisé… et bon marché : « les frises »

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Frise animalière (Rue des Martyrs) ©Archives communales/Beausoleil Ciné Photo Club

Présentes dans tout le Comté de Nice, introduites au XIXe siècle par les travailleurs immigrés piémontais, elles foisonnent à Beausoleil... Une décoration bon marché (0,70 F le m²) qu’on réalise soi-même... Traitées à l’antique elles offrent feuilles d’acanthes, fleurs et fruits, parfois le monde animal, certaines (plus rares) des paysages. La plupart font appel au règne végétal. Avec des fleurs stylisées et riches en courbes elles sont issues de l’Art nouveau, parfois elle se rattachent, avec des motifs géométriques, dont la Rose 1930, à l’Art déco. A Beausoleil, les frises peintes décorent à la fois les maisons populaires et les demeures bourgeoises.

*« Du bidonville a l’Art déco : la construction urbaine a Beausoleil (1870- 1935) » (extraits de l’exposition réalisée par le service des archives communales en 2005)

Visites gratuites sur rendez-vous auprès de l’office de tourisme (04.93.78.01.55) ou avec le Centre historique et mémoire (04.93.41.71.31)

Photo à la une : Le Riviera Palace, un hôtel de légende. © VLR