Publié le 10/08/2016

“Les Filles aux Mains Jaunes”, du théâtre qui défend la condition des femmes pendant la guerre, écrit par un homme : Michel Bellier

Au Festival Les Nuits de l’Enclave : Après un franc succès au festival d’Avignon, “Les Filles aux Mains Jaunes” génèrent “un standing ovation” aux Nuits de l’Enclave. Rencontre avec Michel Bellier (auteur) et Joëlle Cattino (metteur en scène) 
 

Vous êtes un binôme, Michel Bellier, auteur et Joëlle Cattino metteur en scène, comment vous est venue l’idée de traiter un tel sujet?
Michel Bellier : Ça vient de très très loin, ça vient d’une fascination que j’ai eu et que j’ai toujours eu pour la fin du 19ème et le début du 20ème siècle, et ce début du 20ème qui va jusqu’à l’éclatement de la première guerre mondiale, et ce début du 20ème qui va jusqu’à l’éclatement de la première guerre mondiale, parce que je trouve qu’on a finit pas d’ouvrir des dossiers dessus et de découvrir des tas de choses, et puis on finit pas de découvrir qu’on est tous héritier de cette époque là.
Le deuxième point, c’est qu’on croit beaucoup à l’industrie, on croit beaucoup aux progrès technologiques, jusqu’en 14 où d’un coup, on va se rendre compte que ce progrès technologique est capable aussi d’amener la destruction en masse. 
C’est aussi ma fascination pour toute une histoire qui est en grande partie, une grande part de l’histoire de l’Humanité, qui est celle des femmes, qui est très très ouvent mal écrite ou pas écrite du tout. Donc, pour moi, quand je suis tombé sur ce sujet qui était très peu traité, je me suis dit, c’est l’occasion ou jamais de lier mes deux fascinations, qui sont d’une part, la première guerre mondiale, et deuxièmement, l’Histoire de la condition féminine, du féminisme, et l’Histoire de l’Humanité aussi.

Pour que l’Histoire semble complètement réelle, et elle est l’est dans tous les cas, sur ce spectacle, sur quoi vous êtes vous basé, quelles ont été vos sources, quelles ont été vos recherches ?
Michel Bellier : Énormément de documentations historiques, sociologiques. Quand je dis énormément, je me suis avalé énormément de livres d’histoires, qui traitaient beaucoup de l’Histoire, beaucoup de conflits dans la globalité. En revanche, en France en tous cas, il y a très peu de choses qui sont écrites de façon détaillée sur la condition féminine, sur la vie quotidienne des femmes sur cette période là; sur notamment le fait à un moment, il y a eu cette prise de conscience. Donc il y a très peu de choses qui sont écrites là-dessus. J’ai construit cette histoire dans les creux, dans ce qu’il ne se disait pas, ce qu’il ne se racontait pas; j’ai croisé aussi des romans, des nouvelles, que je lisais…
Ça a vraiment été une documentation très littéraire, documentaire, et vraiment bâtit cette histoire en creux, et puis j’avais envie, comme mon travail est de fabriquer des fables, de raconter des histoires, de fabriquer de l’émotion, j’avais envie de créer, d’imaginer ces quatre personnages imaginaires, à qui il arrive des choses réelles. Je suis resté longtemps à rêver ces quatre personnages, et j’ai trouvé ces quatre qui sont vraiment emblématiques d’un époque, et qui représentent quatre facettes d’une même femme qui était un peu la figure féminine de l’époque.

Joëlle Cattino, vous avez créé la mise en scène : Vous l’avez créée en binôme avec Michel Bellier, ou vous êtes-vous complètement autocentrée sur vous même pour laisser votre imagination?
Joëlle Cattino : Avec Michel, on travaille depuis bon nombre d’années, alors c’est vrai que c’est une communauté de pensées. Michel ne prend pas part, à part si nous venons le lui demander, mais il appartient à cette lignée d’auteur qui laisse libre le plateau vivre. A partir du moment où il a fini d’écrire, il pense que le plateau a son mot à dire et que le plateau doit vivre. L’écriture se fait de manière scénique, se fait de manière assez libre. Michel vient découvrir son texte monté vraiment vers les dernières répétitions. Alors c’est vrai que ce travail là, j’ai fait un peu comme Michel, j’ai suivi ses traces sur ces archives, cette réflexion qui l’a mené pendant de nombreuses années.
Il ne l’a pas dit, mais ça a été quand mêm un archivage qui a pris trois à quatre ans de recherches historiques et de se rendre compte que nous n’avions rien quasiment en France qui retrace complètement ce pan d’Histoire qui est passé sous silence. La curiosité aidant, je suis allée dans beaucoup d’iconographie, et on ne trouvait pas, ne serait-ce que les gestes de ces tourneuses d’obus; que des photos figées qui ne donnent pas la gestuelle… C’est vraiemnt un travail tout à fait personnel, que de m’emparer sde ce texte et d’essayer de voyager à l’intérieur des mots de Michel.

Alors en tant que femme, metteur en scène femme, quel a été votre regard du sujet choisi de Michel, par rapport à la condition de la femme dans l’usine ?
Joëlle Cattino : Un grand respect, déjà, car nous venons tous deux de ces milieux dit “populaires”, don c’est bien aussi de rendre hommage à nos grands-parents, arrière grands-parents. Ensuite, en tant que femme, bien évidemment, trouver dans les mots d’un homme assez de force aussi pour exprimer…. Je ne sais pas si vous l’avez noté, mais c’est fou ce texte qu’il a écrit, on dirait qu’une femme l’a écrit parce que en fait, il y a tellement de sensibilité; c’est tellement un vécu profond dans la chair, c’est vraiment une incarnation forte. Moi je l’ai très bien vécu ce moment! J’ai découvert beaucoup de choses. Le combat pour l’émancipation féminine me tient énormément à coeur, je pense comme la plupart d’entres nous, de mon époque et des époques qui suivent. On doit donné un grand coup de chapeau à nos arrières grands- mères ou grand-mères. J’en ai appris beaucoup avec ce texte, énormément. Partir à la découverte de ce pan d’Histoire a été fabuleux.

Apprendre beaucoup mais aussi prendre conscience que les choses n’ont pas forcément évolué cents ans après ?
Michel BellierQuand on écrit un texte, il y a plusieurs motivations et l’une de ces motivations là, c’était aussi essayer de transmettre aux jeunes générations cette mémoire là, cette idée que la condition fémine, ça toujours été une suite de combats, de combats très très durs, de recul, de défaîte, de victoire, ça n’a jamais couler de source, jamais été de soi. Aujourd’hui, on entend avec le retour des obscurantismes religieux, le retour de certaines paroles politiques qui font quand même penser un autre âge, je crois que c’est utile de faire ce constat pour le transmettre aux jeunes générations. Et également aux générations moins jeunes, en disant simplement “regardez ce qu’il s’est passé à une époque”.
On est tous les héritiers de ça. Ce qu’on est capable de vivre aujourd’hui tous ensemble dans ce pays, même si les choses sont loin d’être parfaites. (Rappelons nous quand même que le travail égal et le salaire égal sont encore loin d’être de mise en France. Je rappelle au passage, qu’une femme à expériences égales, à compétences égales, à responsabilités égales est encore payée moins 24% qu’un homme). Le but que j’ai eu en écrivant cette pièce, c’était aussi de pousser un gueulante aussi quand je m’aperçois que certains mots qui nous ont faits, qui nous ont bâtis, qui nous ont faits, le mot comme féminisme par exemple devient aujourd’hui un peu péjoratif, devient sujet un peu à moquerie, etc.. On a l’impression chaque fois qu’on parle de féminisme, qu’on pense à des “viragos”; il y a quelque chose de provocateur. J’avais envie de donner à ce mots ses lettres de noblesses.
Joëlle Cattino : C’est tout à fait pour ça qu’on a fait ce spectacle, de s’adresser bien-sûr à la jeune génération, et rappeler aussi à l’ancienne génération que rien est acquis; qu’aujourd’hui on nous parle beaucoup d’un monde réactionnaire, que les mots sont détournés de leur sens complètement. Il y a une parole réactionnaire contre les femmes, ça s’est clair…
Je pense que le texte de Michel là-dessus est une réflexion sociale et philosophique, et comme nous sommes des raconteurs d’histoires, ce qui est beau avec le théâtre, c’est que l’on fait effectivement des histoires et que l’on touche à l”émotionnel, à l’émotion, parce qu’il y a une incarnation de la parole. Nous on fait que poser des questions, aux gens d’y répondre si ils en ont envie.

 

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