Publié le 14/06/2021

« Le surréalisme dans l’art américain », l’exposition de l’été du Centre de la Vieille Charité de Marseille

Jusqu’au 26 septembre 2021, le Centre de la Vieille Charité de Marseille propose « Le surréalisme dans l’art américain », une exposition coproduite par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et les Musées de Marseille, avec le soutien de FRAME (French American Museum Exchange). Cette association constitue un réseau de 32 ensembles de musées nord-américains et français. Les Musées de Marseille en sont membres depuis 2005.

le surrealisme dans l art americain exposition Marseille James Rosenquist

L'exposition « Le surréalisme dans l’art américain » est une véritable gourmandise pour les yeux et l’esprit. Quel plaisir, après tant de mois de fermeture, de pouvoir déambuler dans les galeries de la Vieille Charité de Marseille à nouveau ! Quel bonheur de croiser, le temps d’une visite, entre autres, Salvador Dalí, Max Ernst, Man Ray, Barnett Newman, Jackson Pollock, Mark Rothko, Jasper Johns ou Louise Bourgeois !

Le surréalisme dans l’art américain

Avant tout, le simple plaisir des yeux et de l’esprit…

Comme il est agréable de découvrir des artistes, peut-être moins connus du grand public, comme Joseph Cornell, O. Louis Guglielmi, Helen Lundeberg, Arshile Gorky, Richard Pousette-Dart, Gordon Onslow-Ford, Paul Thek, Nancy Grossmann, Lee Bontecou !…
Les gourmets apprécieront la variété des supports : des tableaux, mais aussi des gravures, des dessins, des sculptures et des films.
Ceux qui ne veulent pas en laisser une miette, pourront consommer, sans modération, les textes de salles et les cartels enrichis qui forment un efficace dispositif pédagogique.

Du surréalisme de l'art américain au surréalisme européen

Secouer un peu l’histoire de l'Art

Le commissariat de l’exposition a été confié à Eric de Chassey, historien de l’Art, connu pour ses nombreux articles et ouvrages sur l’Art du XXème siècle. Certains de ses écrits sur l’Art aux Etats-Unis ou sur l’abstraction, sont incontournables. Il est également Directeur Général de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) et professeur d’histoire de l’art à l’École normale supérieure de Lyon.

À travers un choix de 180 œuvres et de plus de 80 artistes, Eric de Chassey remet en perspective le surréalisme et son héritage dans l’art américain jusque dans les années 1970.
Il démontre, en premier lieu, comment la jeune création américaine d’après-guerre a découvert le surréalisme européen, bien avant la deuxième guerre mondiale, bousculant ainsi une lecture assez convenue de l’histoire, selon laquelle tout commence avec l’exil des artistes européens durant la deuxième guerre mondiale. Néanmoins, l’exposition s’ouvre sur le moment marseillais de la Villa Air-Bel et l’œuvre de Varian Fry qui a permis à de nombreux artistes de fuir vers l’Amérique du Nord, à partir de « la France libre ». Eric de Chassey rappelle simplement que, dès les années 1930, des expositions comme Newer SuperRealism au Wadsworth Atheneum de Hartford, en 1931, ou, Fantastic Art, Dada, Surrealism, au musée d’Art moderne de NewYork, en 1936, ont été de véritables révélations pour des artistes comme Helen Lundeberg, en Californie, ou Joseph Cornell à New York.

Le propos se poursuit et décortique les mécanismes complexes d’un surréalisme américain qui s’affirme loin de l’orthodoxie définie par les théoriciens européens, des années 1940, aux années 1950. Deux courants se dessinent. L’un figuratif regroupera, Joseph Cornell, Enrico Donati, Man Ray, Kay Sage ou encore Dorothea Tanning. L’autre, plus abstrait, réunit Robert Motherwell, William Baziotes, Jackson Pollock, Barnett Newman, Mark Rothko, David Smith ou Clyfford Still.
Toutefois, un habile accrochage de leurs œuvres, au côté de celles des surréalistes comme Miró, Masson et Ernst, met en évidence l’influence de ces derniers sur l’expressionnisme abstrait américain.

L’exposition se termine en débusquant la présence du surréalisme, dans la culture visuelle des avant-gardes américaines d’après-guerre, jusqu’à la fin des années 1960.

James Rosenquist - L’Atelier de Coenties Slip [Coenties Slip Studio] 1961 © Adagp, Paris 2021

Marseille et les Surréalistes, toute une histoire

Marseille était le cadre le plus cohérent pour un tel événement. La Cité phocéenne entretient un lien particulier avec le surréalisme. D’ailleurs, la première exposition que le Centre de la Vieille Charité offrit au public, lors de son ouverture en 1986, s’intitulait : « La Planète affolée : surréalisme, dispersion et influences, 1938-1947 ».

Pour comprendre cette relation au surréalisme, il faut remonter à la deuxième guerre mondiale

De 1940 à 1941, le Sud-est de la France est alors en zone-libre. Les Etats-Unis décident donc d’installer, à Marseille, le « Centre Américain de Secours » dont la mission consiste à préparer le départ des réfugiés fuyant la France de Vichy et l’Europe nazie, vers l’Amérique du Nord. Vivian Fry est chargé de coordonner ce programme, depuis la Villa Air-Bel, dans le quartier de la Pomme. En deux ans, il aura organisé la fuite salvatrice de 2000 personnes.
Les artistes bénéficient d’une attention particulière. C’est ainsi que, dans l’attente de leur visa, André Breton, Victor Brauner, Max Ernst, Jacqueline Lamba, André Masson ou Wifredo Lam, se retrouvent autour de Vivian Fry. Cette communauté va produire une quantité considérable d’œuvres collectives et emblématiques du surréalisme : des « Cadavres exquis », des collages, des dessins et « le jeu de Marseille », une interprétation artistique du jeu de cartes du Tarot.
Aujourd’hui il ne reste rien de la Villa Air-Bel dans le onzième arrondissement de Marseille. Des immeubles ont été construits à son emplacement. Cependant, le musée Cantini, conserve la mémoire de cette effervescence extraordinaire, à travers la place qu’occupe le surréalisme dans ses collections.

Informations pratique de l'Exposition « Le surréalisme dans l’art américain »

La vieille Charité - Marseille
du mardi au dimanche de 9 h à 18 h
tarifs : 12 €, tarif réduit 8 €
Le billet donne accès aux collections du musée d’Archéologie méditerranéenne et du musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens.

Photo à la Une :
Joseph Cornell - Sans titre n°3 série (Nécessaire à bulle de savon)
[Untitled no. 3 (Soap Bubble Set)]
vers 1955 © Adagp, Paris 2021