Publié le 12/03/2022

Projection sur grand écran : Maigret

A l’instar d’un immense auteur (belge comme lui) d’un célèbre personnage de bande dessinée, Maigret est Simenon et Simenon est Maigret, mais il faut dire également que Maigret était plus connu que son auteur, et que cela agaçait parfois Simenon. Alors il fallait bien tout le talent du monstre d’acteur qu’est Gérard Depardieu, pour incarner ce personnage mythique à l’écran, dans le dernier film de Patrice Leconte.

Maigret et la jeune morte film 2022 Gerard depardieu

Maigret est le dernier film de Patrice Leconte, avec Gérard Depardieu. (sortie au cinéma le 23 février 2022). Il est adapté du roman "Maigret et la jeune morte" publié pour la première fois en 1954. Ce récit présenté comme l'une des œuvres les plus crépusculaires de l'écrivain avait déjà connu quatre adaptations en téléfilms.

Maigret film 2022 Gerard Depardieu

Gérard Depardieu monstre sacré du cinéma, est "Maigret", dans le dernier film de Patrice Leconte (23 février 2022)

Georges Simenon, bibliographie

Georges Simenon est un écrivain belge francophone né à Liège en Belgique le 13 février 1903 et mort à Lausanne en Suisse le 4 septembre 1989.

Simenon en chiffres

Ses romans donnent vie à plus de 9 000 personnages dans 1 800 lieux de par le monde, et des lieux qu'il connaît, qu'il a parcourus, mais ce sont d'abord :

200 romans écrits sous 17 pseudonymes différents 192 romans sous son nom propre, dont :
103 épisodes de Maigret 75 romans et 28 nouvelles
117 romans qu'il appelait ses « romans durs » représentant 25 000 pages
25 ouvrages à caractère autobiographique
155 nouvelles
les œuvres complètes publiées sous son patronyme en 27 volumes et enfin plus de 500 millions de livres vendus, traduits en 55 langues, publiés dans 44 pays.

Le cinéma et Maigret

187 films sont basés sur son œuvre et ont été réalisé pour le cinéma, dont une dizaine avec Jean Gabin entre autres, qui incarnera à trois reprises le commissaire : Maigret tend un piège, Maigret et l'affaire Saint Fiacre et Maigret voit rouge.

Maigret, Un personnage aux mille costumes, du petit au grand écran

Le commissaire Jules Maigret a souvent été joué au cinéma ou à la télévision. Il l'a notamment été à 54 reprises en 14 ans par Bruno Cremer dans la série et les téléfilms Maigret durant les années 1990.
Jean Richard s'est quand à lui glisse 88 fois dans ce costume dans une série qui commença en 1967.
Au cinéma, le personnage a été initialement représenté par Pierre Renoir dans La nuit du carrefour (réalisé par son frère Jean Renoir en 1932), puis à trois reprises par Jean Gabin, et le canadien Maurice Manson, Albert Prejean, Abel Tarride, Harry Baur, Charles Laughton, Michel Simon ou encore Gino Cervi.

Maigret / Synopsis

Paris, une jeune fille est retrouvée morte dans un square parisien, vêtue d'une robe de soirée. Le commissaire Maigret va tenter de l'identifier, puis de comprendre ce qui est arrivé à la victime.

Maigret et Patrice Leconte

L’affiche ne laisse aucune plane aucun doute. Patrice Leconte nous propose une enquête du commissaire Maigret avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre. Et même si on n’attendait pas spécialement l’acteur dans un tel rôle, autant dire qu’il s’en sort bien. Son physique (stature), dénote un peu par rapport à ceux de ses prédécesseurs dans le rôle (Harry Baur, Jean Gabin, Bruno Cremer et Jean Richard pour citer les plus marquants), mais on s’y fait aisément. Le réalisateur trouve même une jolie occasion de jouer avec les habitudes du personnage, puisque Maigret donne une amusante petite leçon technique sur comment fumer la pipe.
Leconte a réussi à restitué une atmosphère, et Maigret-Depardieu déambule sa grande carcasse au fil des rues de Paris.

dernier film Patrice Leconte Maigret depardieu

Depardieu ne joue pas Maigret, il est Maigret, et la force du film repose en grande partie sur sa partition d'acteur. Des qu'il n'apparaît plus à l'écran, le film se fait un peu plus fade.

Patrice Leconte, une filmographie hors norme

Affiche Maigret voit rouge Jean Gabin film 1958

Néanmoins les critiques presse sont dithyrambiques et reconnaissent le travail du réalisateur.
Leconte ne se contente donc pas d’adapter une histoire solide. Dans son dernier film Patrice Leconte y imprime une patte personnelle et fait en sorte que sa réalisation procure une réelle satisfaction au visionnage. C’est tout à son honneur, sachant qu’avec son expérience (plus de 30 longs métrages à son actif dont Tandem (1987), Monsieur Hire (1989) et Le mari de la coiffeuse (1990) pour citer ses meilleures réussites), Patrice Leconte n’a plus rien à prouver. Nous avons droit à une enquête avec ses hésitations, progrès et révélations apportant son caractère à l’ensemble.

Il faut souligner le soin particulier apporté à l’atmosphère générale. Nous sommes dans Paris et, si l’aspect reconstitution d’époque ne constitue pas le point fondamental du film, beaucoup de détails (lieux de tournage notamment), dénotent un travail de qualité. On remarque aussi tout ce qui tourne autour du commissaire, que ce soit sa méthode de travail (il ne pense pas, il observe ; ce que Depardieu rend parfaitement), sa façon de vivre (plusieurs scènes chez lui, avec sa femme), mais aussi tout ce qui le rend humain (son rapport avec la jeune Betty, interprétée par Jade Labeste), et même ses états d’âme, car à plusieurs reprises on le sent fatigué, plus ou moins au bord de la déprime (manque d’appétit notamment). On apprend surtout quelque chose qui lui apporte une réelle fragilité, avec ce souvenir qui remonte loin et qui n’est que sous-entendu, qui éveille certainement la tendresse qu’il éprouve pour Betty, même s’il l’utilise comme appât, sans s’en cacher. Tout justifie la concision du titre, sans rien enlever à la manière Simenon.

Maigret et Gérard Depardieu

Des les premières images, on sent un Maigret mélancolique, usé, dont un clin d'œil, son docteur lui défend de fumer sa pipe. Gérard Depardieu est impressionnant, dans chaque image, dans chaque gros plan, il fait passer une certaine intensité, en étant minimaliste.C'est un de ses plus beaux rôles de ces dernières années.
Il écoute, renifle, il observe chaque personnage de l'histoire, et surtout il doute.
Mais il fait passer aussi beaucoup d'humanité et de compassion quand il prend en main la jeune Betty. On adore ces moments du film où il la conseille, et la couve comme un père spirituel.
Le regard de Depardieu est rempli parfois de lassitude, il avance doucement mais sûrement... jusqu'au dénouement final, qui pour ma part me laisse un peu sur ma faim.

Épilogue

Le film aurait demandé peut être un peu plus de consistance, la fin tombant un peu à plat.
Mais Depardieu dans sa performance et dans son jeu mérite à lui seul le détour.
Et quand on voit sa silhouette massive s'évaporer lentement dans le paysage, c'est tout Maigret discret et solitaire, qui part.

Pour en savoir plus sur l'histoire de Maigret

Je conseille la biographie de Simenon par Pierre Assouline, qui dit :

'' ...Ce qui différencie Maigret des autres enquêteurs de romans policiers contemporains est qu’il travaille seul, uniquement à partir de l’observation si ce n’est du flair. Mais pas uniquement. Il renifle les gens et surtout il écoute. Je pense que ce qui rend Maigret si attachant est qu’il soit démodé. Etant daté, Simenon le rend directement intemporel et universel. Aussi, on ne s’attache que très peu aux enquêtes, ce qui compte ce n’est pas l’atmosphère, c’est la psychologie, l’intuition, l’instinct. Dans le fond on s’intéresse bien davantage aux coupables qu’aux victimes. "