Publié le 08/12/2020

Cyril Rovery, le chant lyrique pour credo, la passion pour dévotion

Si la voix de basse de Cyril Rovery se prête parfaitement aux rôles d’« Anges et Démons à l’Opéra », titre qu’il a choisi pour son futur album dont la sortie se fera en janvier 2021, son implication, sa générosité, sa passion et ses choix de vie le placent définitivement du côté des anges. Interview d’un artiste lyrique aux multiples talents.

Cyril Rovery baryton basse opéra Marseille

Cyril Rovery a foulé à de nombreuses reprises la scène de l’Opéra de Marseille, mais jamais dans un premier rôle à sa mesure, comme il les endosse à l’étranger. Si nul n’est prophète en son pays, il est certain que le public marseillais a déjà adoubé le chanteur.

60 rôles d’Opéra, haute voltige pour une Basse

Médaille d’Or à l’unanimité du Conservatoire de Marseille et grand prix de la ville qui l’a vu naître, Cyril Rovery débute sa carrière professionnelle en 1998 par un prix du concours Voix nouvelles à l’Opéra d’Avignon puis à l’Opéra de Paris. Dès cette année-là il enchaîne très jeune les rôles de Basse et Baryton-Basse du grand répertoire lyrique tels que : Mephisto de Faust; Le toréador de Carmen aux Arènes de Béziers; Le Commandeur dans Don-Giovanni ainsi que le rôle-titre.

Par la suite il incarnera d’autres rôles charismatiques comme celui de Scarpia dans Tosca, Zaccaria dans Nabucco, Sarastro dans La Flûte enchantée, Phillipe II et l’inquisiteur dans Don Carlo, sur des scènes lyriques importantes telles que l’Opéra National de Roumanie, l’Opéra de Marseille, l’Opéra National de Sofia, de Varna et Stara Zagora, l’Opéra National de Kazanawa au Japon, l’Opéra National D’Amsterdam et Rotterdam, également au philharmonique de Varsovie, ainsi que de Sofia et dans d’autres pays, dont la France, où il se produit depuis plus de 20 ans sur la plupart des scènes hexagonales.

Son expérience de bientôt 60 rôles d’opéras, l’intensité et la musicalité de sa voix, ainsi que sa tessiture d’une grande amplitude, lui confère une maîtrise technique du souffle et de la projection vocale singulière.

Il se produit aux côtés d’artistes lyriques internationaux, de chefs d’orchestres et de metteurs en scènes de grands renoms tels que : Roberto Alagna, Beatrice Uria-Monzon, Michel Plasson, Patricia Ciofi, Leo Nucci, Vesselina Kasarova, Yannis Kokkos, Marie-Nicole Lemieux, Klaus Michael Grüber ou encore John Tomlinson.

Cyril Rovery et le coaching vocal

Cyril Rovery dispense au Centre Européen d’Expertise de l’Éloquence et de la Voix, en collaboration avec une équipe médicale pluridisciplinaire, une méthode et des techniques de coaching vocal et respiratoire inédites, d’une grande efficacité et obtenant des résultats rapides et durables pouvant être appliqués à toutes les pathologies affectant la voix.

Rencontre avec Cyril Rovery

Danielle Dufour-Verna –Projecteur TV : Bonjour Cyril Rovery. Parlez-moi de votre actualité.

Cyril Rovery : Mon actualité, comme pour la plupart de mes collègues artistes, est à l’arrêt. Certains contrats sont maintenus, comme l’Opéra de Marseille en juin 2021 pour L’Africaine de Mayerbeer. J’ai une actualité de concert en janvier et la chose la plus importante, c’est la préparation de mon disque qui doit sortir également en janvier. Je commence les séances d’enregistrement le 22 décembre.

DDV : Vous chantez quels morceaux ?

Cyril Rovery Baryton Basse Portrait

Cyril Rovery : On ressort douze titres. La thématique, c’est exactement le concert que j’ai fait au Théâtre antique d’Orange au mois d’août accompagné au piano par la même pianiste Olga Bondarenko. Pour cette thématique des anges, des démons, des saints et des méchants, la voix de basse est la tessiture la plus à même d’exprimer les sentiments théâtraux conflictuels. C’est sensiblement le même programme, avec deux petites nouveautés. Douze titres donc : Nabucco, Faust, Don Giovanni, Carmen, Robert le Diable, Il Barbiere di Siviglia, Die Walküre, Die Zauberflöte, La Gazza Ladra, Die Entführung aus dem Serail, Benvenuto Cellini, Eugene Onegin, Attila.
À l’issue de la sortie de l’album, 6 vidéos clip seront également produit dans un style et un contexte dont nous vous réservons la surprise et qui paraîtront sur YouTube et Facebook. Vous pourrez trouver l’album Anges et Démons à l’Opéra en janvier 2021 sur les différentes plateformes de streaming musique habituelle. J’ai voulu, pour ce disque, chanter tous mes rôles depuis bientôt 23 ans.

DDV : De quel côté vous placez-vous, ange ou démon ?

Cyril Rovery : Comme vous le savez évidemment, c’est l’essentiel de mes rôles. Je chante très souvent les rôles de Verdi. Je chante tous les Méphisto, celui de Gounod, de Boito, les grands classiques. Puis les rôles de prophète. Pour l’album, Attila, vous avez un démon sur terre, et Zaccaria, le grand prêtre de Nabucco. On est entre les anges et les démons.

DDV : Vous chantez souvent à l’Opéra de Marseille.

Cyril Rovery : Je chante à l’Opéra de Marseille depuis 2002 je crois. La première fois c’était pour Madame Butterfly. Je chante beaucoup dans les pays de l’Est. J’étais en troupe à l’opéra de Sofia et à Stara Zagora. J’ai beaucoup chanté en Allemagne, en Roumanie, en Italie.

DDV : Vous avez fait des concerts pendant les confinements.

Cyril Rovery : Dès le début du premier confinement, j’étais en mars en représentation en Espagne, j’ai dû rentrer très vite chez moi comme tout le monde et je me suis demandé comment garder un lien avec le public partout en Europe, et j’ai pensé à faire des concerts en ligne. J’ai fait quelque chose de pas très orthodoxe, 27 concerts en ligne avec orchestre. A la sortie du confinement, j’ai commencé les concerts des calanques, avec bande orchestre et enceintes connectées, où les gens ont pu venir m’écouter devant des panoramas formidables, dans les calanques des Goudes. J’ai fait là huit concerts. La thématique de tous ces concerts était de lier la poésie - des auteurs très connus, de Baudelaire à Victor Hugo, à Théophile Gautier, à Verlaine - pour illustrer mes concerts, mes airs d’opéra. Je les illustrais à chaque fois avec des grands poèmes, de grands auteurs, pour faire une corrélation littéraire avec les œuvres chantées. L’opéra est né du théâtre.
J’ai voulu créer comme cela une ambiance à travers cela. Entre les concerts confinés plus ceux des calanques, à la Baie des Singes, à Callelongue et ailleurs plus les quatre derniers à mon domicile pendant ce confinement, ce sont au total 45 concerts qui m’ont permis de m’entrainer, de travailler mon instrument et de faire plaisir à tout un tas de gens à travers le monde, de garder un lien privilégié avec le public. Merci Facebook, les vidéos en direct, et merci internet quoi qu’on dise. Tout cela, naturellement, entièrement gratuitement.

DDV : Bravo, c’est généreux.

Cyril Rovery : J’avais envie de me garder à flot. Il fallait aussi que je garde mon instrument. Bien sûr que j’avais ce besoin libertaire et hédoniste d’apporter à mon public. Il se trouve que je suis autonome financièrement et j’ai pu me le permettre. Mais je vous assure que j’avais vraiment besoin aussi de continuer à garder le lien avec mon instrument. J’ai un répertoire qui est très exigeant. Je suis, comme vous le savez, un spécialiste de Rossini, du Bel Canto, de Donizetti à Bellini, à Rossini et au répertoire verdien. C’est un répertoire qui est vraiment un stradivarius et qui demande de garder la voix au zénith.

Cyril Rovery baryton basse coach vocal

DDV : C’est tout à votre honneur de le préciser. Vous êtes également coach vocal.

Cyril Rovery : Oui, ça a commencé à la clinique Bonneveine qui a créé le Centre Européen d’Expertise de l’Eloquence et de la Voix, le CEEEV. C’est le premier centre pluridisciplinaire de rééducation vocale d’Europe. Ce sont les orthophonistes qui sont spécialisés dans la prise en charge de la voix. Pour ma part, je travaille en qualité de coach vocal avec une équipe pluridisciplinaire qui sont : les médecins phoniatres, les chirurgiens ORL, kinésithérapeutes, coach sportif, tous agréés médical. Je travaille en partenariat avec tous ces corps de métiers médicaux. Je suis le dernier maillon, c’est-à-dire, celui qui rééduque à base de techniques vocales lyriques et également théâtrales. Cela s’adresse à toutes les pathologies de la voix pour tous ceux qui en font usage. Depuis cette création, il se trouve que trois opérations chirurgicales des cordes vocales ont déjà pu être évitées grâce à cette rééducation vocale.

DDV : Vous avez bien connu Tibère Raffali qui était votre professeur au Conservatoire de Marseille, disparu il y a peu : « Nous étions un peu, ses plus proches élèves, comme ses enfants. »

Cyril Rovery : Je vous remercie de me permettre de lui rendre hommage. C’était mon premier professeur. Je lui dois énormément. C’était un peu mon père spirituel. Nous sommes plusieurs de ses anciens élèves aujourd’hui à pleurer sa mort qui est complètement prématurée. Il avait à peine 69 ans et venait à peine de prendre sa retraite. Sa mort laisse derrière lui un immense vide humain et artistique. Il était pour plusieurs d’entre nous et beaucoup pour moi car j’ai fait partie de ses premiers élèves, comme un père véritablement. En plus, il n’avait pas d’enfant. Nous étions un peu, ses plus proches élèves, comme ses enfants.

Cyril Rovery Baryton Roberto Alagna Victor Hugo
Cyril Rovery sur scène à l'Opéra de Marseille aux côtés de Roberto Alagna (tenor) dans "Le dernier jour d'un condamné" (2017)

DDV : Un souvenir particulier ?

Cyril Rovery : Le fait qu’en dehors du conservatoire, c’était quelqu’un qui ne faisait jamais payer de cours en privé. C’est important de le dire. Tout était gratuit avec lui. Il m’a appris le sens du devoir, du don de soi et aussi le fait qu’il m’a donné beaucoup de partitions quand j’étais tout jeune et que je n’avais pas d’argent. Il faisait comme cela avec beaucoup de ses élèves, à donner des partitions, des cours gratuits en plus du conservatoire, à faire un suivi professionnel et artistique, toujours présent, même quand on était en carrière. Je pourrais vous raconter des anecdotes. Par exemple, quand j’étais jeune, que je faisais un mauvais son, il me disait : « Ne me fais pas le cri de la mouette malade. » J’avais 20 ans. C’était mon premier professeur. Il laisse aujourd’hui un immense vide dans mon cœur.

DDV : Si je vous demande un rôle, lequel ?

Cyril Rovery : Même pas trois, un ? D’accord. Oh mon dieu ! Vous faites ça à tous vos chanteurs d’opéra quand vous les interviewez ? Il y a des rôles qui tombent plus sous le sens. Je dirais ….. -ayez pitié de moi trente secondes- allez, on va dire Zaccaria dans Nabucco. J’hésite entre Zaccaria et Philippe II que j’ai chanté aussi. On va dire Zaccaria.

Cyril Rovery baryton basse francais

DDV : Cyril, quelle serait votre définition du bonheur ?

Cyril Rovery : Le bonheur pour moi, c’est avant tout de toutes petites choses et de tout petits instants, rien de plus.

DDV : Quel est, pour vous, le mot le plus beau de la langue française ?

Cyril Rovery : Dévotion.

DDV : C’est ce que vous aviez pour votre professeur ?

Cyril Rovery : Ce que j’ai pour mon art, ce que j’ai pour ma famille, pour les gens que j’aime, ce que j’ai pour mon public qui me fait la joie et le bonheur de me suivre. Dévotion pour la musique, dévotion pour les petites choses et les petits instants.